L'attentat qui a fait vingt blessés sur la principale avenue de Tunis constitue une attaque «isolée» et «artisanale», ont souligné mardi les autorités, qui cherchent encore à déterminer les motivations de son auteure, une diplômée issue d'un milieu modeste.
La capitale tunisienne a été frappée lundi par son premier attentat en près de trois ans. La kamikaze, âgée de 30 ans, a actionné une charge explosive contre des forces de police, faisant vingt blessés --aucun n'étant toutefois atteint grièvement--, selon un dernier bilan officiel. La jeune femme, qui est décédée sur le coup, n'était «pas fichée et n'était pas connue pour ses antécédents ou ses appartenances religieuses», a déclaré mardi à l'AFP le ministre de l'Intérieur, Hichem Fourati, lors d'une visite sur le lieu de l'attaque, en plein coeur de la capitale.
aucune revendication
«C'est un acte isolé, les services de sécurité sont sur le qui-vive, ils sont intervenus très rapidement», a-t-il ajouté, décrivant «une attaque artisanale». Des sources policières avaient déjà estimé lundi soir que la kamikaze ne portait vraisemblablement pas de «ceinture d'explosifs» mais «plutôt une bombe artisanale».
Les enquêtes sur les attentats de 2015 et 2016, attaques qui ont fait des dizaines de morts, avaient à l'inverse fait apparaître une préparation en Libye voisine, où le groupe ultra-radical Daesh, profitant du chaos, s'était implanté. Vingt personnes, dont quinze policiers, ont été blessées dans l'attaque de lundi qui, pour l'heure, n'a pas été revendiquée.
Au lendemain de ce premier attentat à frapper la capitale depuis 2015, la vie est revenue à la normale sur l'avenue Bourguiba et les cafés ont rouvert. La présence policière a toutefois été renforcée sur cette artère déjà très surveillée habituellement, où se trouve notamment le ministère de l'Intérieur.
Les services municipaux ont nettoyé au karcher la zone où la jeune femme a déclenché sa charge explosive, tandis que touristes et travailleurs déambulaient sur l'avenue. Les organisateurs des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), l'un des principaux évènements culturels du pays, ont assuré dans un communiqué que le festival aurait lieu comme prévu dans quelques jours, «pour célébrer les valeurs de tolérance, d'ouverture et de vie». Aucune arrestation n'a encore eu lieu dans le cadre de l'enquête, a de son côté affirmé le porte-parole du pôle antiterroriste, Sofiène Sliti.
Diplômée au chômage
La kamikaze, Mna Guebla, titulaire d'une licence en anglais des affaires, était originaire de Zorda, une localité isolée de la région de Mahdia (est). Selon sa famille, la jeune femme, diplômée depuis trois ans, n'avait jamais trouvé d'emploi dans ce secteur, mais s'occupait parfois du cheptel, pour les aider. Le chômage touche quasiment un tiers des jeunes diplômés en Tunisie, où l'économie reste verrouillée, huit ans après la révolution.
«Cela montre que les causes profondes derrière la radicalisation des jeunes sont toujours prégnantes», a affirmé à l'AFP le politologue Selim Kharrat. «Il ne faudrait pas que cet attentat déclenche un nouveau tour de vis sécuritaire», a-t-il poursuivi, jugeant «inquiétants» les appels à appliquer plus strictement l'état d'urgence ou à voter une loi controversée sur la répression des atteintes aux membres des forces de sécurité.
Les forces de sécurité tunisiennes sont régulièrement visées par des groupes jihadistes armés opérant notamment dans les zones montagneuses à la frontière avec l'Algérie. A ce jour, les autorités n'ont eu de cesse de prolonger l'état d'urgence, en vigueur depuis la série d'attentats meurtriers à Tunis et à Sousse en 2015.
La situation sécuritaire s'est néanmoins nettement améliorée depuis le printemps 2016 et, après avoir déserté le pays, les touristes sont revenus en masse ces deux dernières années, permettant une relance de ce secteur clé de l'économie.
Ultime rescapée du Printemps arabe de 2011, la Tunisie s'apprête à vivre des échéances électorales cruciales l'an prochain (présidentielle et législatives). L'attentat de mardi est ainsi intervenu au moment où la vie politique tunisienne est déstabilisée par des luttes de pouvoir, notamment au sein du parti Nidaa Tounès, fondé par l'actuel président Béji Caïd Essebsi. Cette attaque «nous rappelle que nous avons d'autres problèmes en Tunisie» que cette course au pouvoir, a réagi lundi le chef de l'Etat, 91 ans.