La police américaine a lancé une vaste chasse à l'homme pour retrouver le ou les responsables de l'envoi de dix colis suspects à des personnalités anti-Trump, mais le mystère restait entier jeudi sur leur identité, dans un dossier qui a considérablement tendu le climat à l'approche des législatives américaines.
Trois jours après le premier engin explosif retrouvé au domicile new-yorkais du financier et donateur démocrate George Soros, personne n'a encore été arrêté.
La liste des cibles s'est allongée jeudi et vendredi, la police fédérale (FBI) confirmant qu'un colis suspect a été adressé à Manhattan à l'acteur Robert de Niro, très critique de Trump, deux à l'ancien vice-président démocrate Joe Biden, dans le Delaware, et un dernier à Cory Booker.
Le FBI a confirmé que ces envois étaient semblables aux enveloppes contenant des bombes artisanales adressées mardi et mercredi à l'ex-président démocrate Barack Obama, l'ex-secrétaire d'Etat et rivale malheureuse de Donald Trump à la présidentielle 2016 Hillary Clinton, l'ex-ministre de la Justice d'Obama Eric Holder, la députée démocrate californienne Maxine Waters et la chaîne CNN à New York.
D'autres paquets possibles
William Sweeney, responsable du FBI à New York, a expliqué que la police avait étendu son enquête à tous les Etats où des paquets suspects ont été trouvés depuis lundi -New York, Delaware, Floride et Californie- en collaboration avec la poste américaine et une douzaine d'agences fédérales.
Mais il a refusé de parler de la nature des engins explosifs retrouvés, analysés dans un laboratoire du FBI près de Washington.
Il n'a pas confirmé des informations de presse selon lesquelles certains paquets auraient été envoyés de Floride.
Dans cet Etat, la police de Miami-Dade a tweeté avoir envoyé une équipe de déminage pour aider des employés d'un centre de tri postal participant à l'enquête, «par précaution», sans autre détail.
«Il reste possible que d'autres paquets aient été envoyés», a déclaré M. Sweeney lors d'un point presse.
Si les colis suspects se ressemblent tous -de petits paquets jaunes portant comme adresse d'expédition celle d'une élue démocrate de Floride-, certains ont été envoyés par courrier alors que d'autres ont été livrés par coursier ou en mains propres, selon plusieurs responsables.
Le chef de la police new-yorkaise s'est dit «certain» que les auteurs seraient identifiés et arrêtés. Mais, comme son collègue du FBI, il a refusé de divulguer toute information pouvant nuire à l'enquête.
Dans la psychose ambiante, le bâtiment Time Warner, qui abrite CNN à Manhattan et avait été entièrement évacué mercredi, a de nouveau été partiellement évacué jeudi soir, à la suite du signalement de deux colis suspects.
L'alerte a été levée peu après, sans qu'aucun engin suspect n'ait été trouvé.
En attendant d'identifier les coupables, la sécurité de nombreux médias et personnalités a été renforcée, a précisé le maire démocrate de New York Bill de Blasio.
«On ne sait pas s'il s'agit d'une ou de plusieurs personnes, étrangères ou américaines. Et on ne sait pas s'ils sont ici (à New York) ou ailleurs dans le pays», a-t-il ajouté.
Une chose est sûre: les nouvelles cibles annoncées jeudi sont des figures très hostiles au président républicain. L'acteur vedette Robert de Niro, 75 ans, pour lequel l'engin potentiellement explosif a été envoyé aux bureaux de sa société de production, a participé à de nombreuses manifestations anti-Trump.
Trump insulté
L'acteur fétiche du cinéaste Martin Scorsese avait même insulté publiquement Donald Trump en février lors de la cérémonie des Tony, récompenses de Broadway.
Il avait lancé depuis la scène un retentissant «J'emmerde Trump», censuré dans la retransmission télévisée, mais ovationné par la salle.
Deux colis suspects ont également été adressés dans le Delaware à Joe Biden, vice-président pendant les deux mandats de Barack Obama et cité parmi les candidats démocrates potentiels à l'élection présidentielle de 2020.
A défaut de coupable(s), partisans et détracteurs du président républicain s'accusaient mutuellement d'alimenter le climat toxique qui caractérise le pays à l'approche des élections législatives du 6 novembre, déterminantes pour la suite de la présidence Trump.
Après avoir appelé les Américains au «rassemblement» mercredi à la suite de la confirmation des premières bombes artisanales, M. Trump a repris ses attaques contre les médias jeudi.
«Une grande partie de la colère que nous voyons aujourd'hui dans notre société est causée par le traitement intentionnellement inexact et imprécis des médias traditionnels, que j'appelle les 'Fake News'», a-t-il affirmé sur Twitter.
«C'est devenu si mauvais et hargneux que c'est au-delà de toute description», a-t-il ajouté. «Les médias traditionnels doivent mettre de l'ordre dans leurs affaires, VITE !»
De nombreux responsables démocrates l'accusent au contraire de «cautionner la violence" et d'attiser les divisions.
«Arrêtez de faire des reproches aux autres. Regardez-vous dans la glace, votre rhétorique incendiaire, vos insultes, mensonges et incitations à la violence physique sont honteuses», a tweeté jeudi John Brennan, ex-directeur de la CIA, virulent détracteur du président et spécifiquement visé par le paquet déposé mercredi dans les bureaux de CNN à New York.
M. de Blasio, lui aussi très hostile à Donald Trump, a estimé vain d'attendre que le milliardaire change de discours.
«Il est comme ça et va rester comme ça», a-t-il déclaré sur CNN. «C'est un problème américain (...) Nous devons créer un climat de respect mutuel et de respect pour les médias. Ce n'est pas Trump qui doit changer, c'est nous».