Comme un parfum de guerre froide ? Face à la Chine, les États-Unis de Donald Trump ont lancé une offensive frontale sur tous les fronts, jamais tentée auparavant, mais dont l'issue reste incertaine.
La scène se passe aux Nations unies. Comme chaque année en septembre, un petit déjeuner réunit les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. «C'était glacial», raconte un témoin, décrivant «une diatribe terrible» du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo contre Pékin, «une confrontation globale, dense», et une réponse tout aussi «violente» de son homologue chinois Wang Yi.
La charge, dans ce huis clos d'ordinaire feutré, préfigure un discours, public celui-là, prononcé le 4 octobre par le vice-président Mike Pence.
Compétition commerciale déloyale, expansionnisme diplomatique et militaire notamment en mer de Chine du Sud, atteintes massives aux libertés publiques et aux minorités religieuses... Dans ce réquisitoire d'une dureté inédite, tout y passe. Jusqu'à cette étonnante accusation d'ingérence électorale pour se débarrasser du président Trump.
«La Chine n'avait jamais été attaquée publiquement de cette manière auparavant», dans «une attaque frontale tous azimuts», explique à l'AFP Elizabeth Economy, chercheuse au Council on Foreign Relations.
Selon elle, l'approche est «nouvelle» car Washington «met désormais explicitement sur la table tous les défis chinois auxquels sont confrontés les États-Unis et les pays européens».
Guerre commerciale
L'administration républicaine «a choisi de suivre une voie différente par rapport aux précédents gouvernements, mettant l'accent sur la pression publique au détriment de la diplomatie», estime aussi Ryan Hass, ancien de la précédente administration démocrate de Barack Obama, aujourd'hui expert à la Brookings Institution.
Les paroles sont accompagnées d'actes: le président Trump a engagé une vraie guerre commerciale, imposant des tarifs douaniers supplémentaires sur 250 milliards de dollars d'importations chinoises et menaçant de nouvelles taxes.
Et d'autres mesures sont annoncées, comme ce tour de vis aux transferts de technologies nucléaires civiles pour lutter contre leur «détournement» à «des fins militaires».
Depuis le dégel des relations avec la Chine de Mao engagé par Richard Nixon en 1972, les États-Unis avaient toujours fait en sorte de maintenir le dialogue, dans l'espoir qu'une plus grande ouverture économique aboutirait à une plus grande ouverture diplomatique et politique. Mais au sein du pouvoir, le choix du bras de fer gagne des partisans.
«Il y a un sentiment général à Washington que la Chine et son économie sont désormais trop importants pour qu'on leur permette de continuer à enfreindre toutes les règles internationales», constate Elizabeth Economy. D'autant que le président chinois Xi Jinping est «porteur d'une Chine très différente sur la scène mondiale, avec une politique étrangère beaucoup plus ambitieuse et expansionniste».
Outre le différend sur la mer de Chine du Sud, deux initiatives réveillent les craintes : les «nouvelles routes de la soie», mégaprojet d'infrastructures pour relier le géant asiatique au reste du monde, et le plan «Made in China 2025" pour en faire un leader technologique.
Que veut Trump ?
«Les États-Unis ont peur de voir la Chine lui disputer son leadership mondial», explique à l'AFP à Pékin l'universitaire indépendant Hua Po.
Un tel face-à-face entre les deux premières économies de la planète semble ramener les relations internationales plusieurs décennies en arrière.
Pour Hua Po, «Trump veut clairement mener une nouvelle guerre froide» et utilise pour cela tous les outils de la puissance américaine. Il met le paquet pour «gagner un cent mètres, mais la Chine veut disputer un marathon avec les États-Unis».
D'après cet expert, «les Européens n'ont pas particulièrement envie de suivre cette guerre froide de Trump car ils ne considèrent pas que la Chine représente une menace substantielle pour l'Europe comme l'ex-Union soviétique».
Or, les États-Unis seuls ont peu de chances de changer la Chine.
«L'administration Trump fait le pari» que son approche va faire évoluer Pékin, car elle pense que la Chine veut «éviter toute confrontation», décrypte Ryan Hass. Mais selon lui, les Chinois «voient peu d'intérêt à accéder aux demandes de Trump sur le commerce ou autres, car cela ne résoudra pas l'origine de la rivalité croissante, à savoir les efforts américains pour contenir la montée en puissance de la Chine».
Reste à savoir ce que veulent vraiment les États-Unis.
Initialement, le président semblait prêt à se satisfaire d'une offre chinoise visant à gonfler les importations de biens américains pour rééquilibrer la balance commerciale – une promesse-clé de sa campagne.
Son entourage semble l'avoir persuadé de passer à une vision plus stratégique pour obtenir un changement en profondeur du comportement chinois. Ce qui s'annonce plus que difficile.
Il n'est pas exclu pour autant que «le président Trump se contente d'un petit succès pour revendiquer une grosse victoire», d'autant qu'il a besoin de l'aide de Pékin pour aboutir à la dénucléarisation nord-coréenne, nuance Elizabeth Economy. Dans ce cas, les tensions retomberaient.