Depuis la révélation des abus sexuels du producteur Harvey Weinstein il y a un an, les mentalités tendent à évoluer. Mais le chemin reste long.
Tout a commencé par un article du New York Times, le 5 octobre 2017. S’appuyant sur de nombreux témoignages, le quotidien accusait le surpuissant producteur hollywoodien Harvey Weinstein d’avoir abusé sexuellement de nombreuses femmes, trois décennies durant. Des allégations bientôt corroborées par une enquête encore plus vaste, cette fois publiée dans le New Yorker.
La star du petit écran Alyssa Milano avait alors lancé le hashtag #MeToo (moi aussi), invitant les femmes à rendre publiques les agressions qu’elles avaient subies, pour montrer que cette affaire n’était pas un cas isolé. Une initiative individuelle qui a déclenché un raz de marée planétaire.
Une vague sans précédent
Dans le monde entier, des femmes ont en effet pris la parole, postant des milliers de messages sur les réseaux sociaux et multipliant les dénonciations. Au Royaume-Uni, deux ministres ont démissionné après avoir été accusés de harcèlement sexuel. Aux Etats-Unis, l’ex-médecin de l’équipe féminine de gymnastique, Larry Nassar, déjà condamné, a écopé de plus d’un siècle de prison pour des centaines d’agressions sexuelles, après de nouveaux témoignages.
En France aussi, des enquêtes ont été ouvertes. Le prédicateur suisse, Tariq Ramadan, accusé de viols, a été placé en détention, et le producteur de cinéma, Luc Besson a été récemment entendu par la police. Mais au-delà des affaires criminelles, les femmes ont aussi profité de la campagne #MeToo pour rendre compte des incivilités qu’elles subissent au quotidien, et impulser un changement des mentalités. Favorisant notamment, en France, le vote, en mai, d’une loi contre le harcèlement de rue, portée par la secrétaire d’Etat à l’égalité, Marlène Schiappa.
«Une nouvelle dynamique féministe s’est mise en place», salue la philosophe Geneviève Fraisse, qui souligne, par ailleurs, l’importance de l’autonomie financière de celles qui ont pris la parole. «Les femmes qui ont lancé le mouvement sont des actrices puissantes ; il faut être protégé économiquement pour oser», rappelle-t-elle. Une réalité qui peut expliquer que ce soit seulement à l’aube du XXIe siècle, alors que l’indépendance financière des femmes avance, que les victimes d’agressions ont pu massivement témoigner.
Des avancées à consolider
Un an plus tard, alors qu’Harvey Weinstein, placé sous bracelet électronique, encourt la prison à perpétuité, «le mouvement continue à vivre, et pas seulement sur la question des violences sexuelles», explique Geneviève Fraisse. #MeToo a en effet donné un nouveau souffle aux revendications féministes dans différents milieux professionnels. Mais tout n’est pas gagné pour autant.
En France, «on avance, mais nous devons passer un cap pour répondre aux besoins des femmes victimes», souligne ainsi Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l’Egalité. Les victoires de #MeToo sont d’autant plus fragiles que le mouvement lui-même ne fait pas consensus. Depuis l’origine, des voix s’élèvent en effet pour dénoncer une «chasse aux sorcières».
Une lecture partagée par le président américain Donald Trump lui-même, qui a recueilli en début de semaine des applaudissements nourris, au Mississipi, en raillant l’accusatrice du juge Kavanaugh.