Manuel Valls n'a pas encore officialisé sa candidature à Barcelone mais dans son ex-fief d'Evry où il a été maire pendant onze ans puis député, on lui souhaite déjà «bonne chance» tout en assurant vouloir «tourner la page».
«Ah Manuel, c'était notre champion !», s'exclame Yves Braun, retraité de 64 ans. «Ca me rend triste de le voir partir à Barcelone parce que c'était un excellent maire», enchaîne-t-il. A son côté, Véronique Daurey, retraitée de l'enseignement, ne peut s'empêcher de froncer les sourcils. «Pour moi c'est un arriviste», finit-elle par lâcher. «Je l'aimais bien au départ, j'ai même voté pour lui plusieurs fois. Il était dynamique et avait cette façon de parler qui était très directe et franche... Mais tout ça, c'était juste pour servir ses ambitions. Alors qu'il s'en aille ! Et bon vent !», s'emporte-t-elle. «On lui souhaite bonne chance», tente de nuancer Yves sous le regard réprobateur de son amie.
«On l'aime ou on le déteste»
Assise à la terrasse d'un café du centre-ville, Fatou, 24 ans, étudiante en gestion, explique d'abord ne pas «(s)'intéresser à la politique» puis, admet avoir un avis «tranchant et tranché» sur Manuel Valls, qui doit officialiser à 19H00 sa candidature à la mairie de Barcelone. «La seule chose que j'ai envie de dire, c'est 'Adios'. Les polémiques sur tout et tout le temps, c'est fini. Il fera ça ailleurs», exulte-t-elle avant de reprendre une gorgée de café.
A l'évocation de l'ancien député-maire, les réactions sont souvent tranchées, voire pour certains épidermiques. Habitué du «parler cash» et des saillies sèches, Manuel Valls s'est construit en briseur de tabous à gauche et a aussi dérouté et heurté nombre de ses administrés.
«Valls, on l'aime ou on le déteste. Il n'y a pas de juste milieu», résume Marie, une infirmière de 31 ans qui veut garder l'image d'un maire «présent et disponible».
Tourner la page
Lancé très jeune en politique, Manuel Valls, arrive à la tête de cette ville nouvelle de plus de 50.000 habitants en 2001. Située à une heure de Paris, cette commune populaire, métissée et jeune (un quart de la population a moins de 30 ans), aux allures parfois futuristes, sera un véritable tremplin pour le natif de Barcelone, lui offrant sa première expérience à la tête d'une collectivité. A Evry, il développera les thèmes qui deviendront les piliers de sa politique: sécurité, laïcité intransigeante et goût pour l'entreprise. Il fait installer des caméras de surveillance dans la ville et augmente les effectifs de la police municipale. En 2003, il n'hésite pas à prendre un arrêté municipal ordonnant la fermeture d'un magasin qui commercialise uniquement des produits «hallal», arguant d'une forme de «ségrégation». «Il a beaucoup fait pour la sécurité. Il y a eu un avant et un après Valls», salue Christine, une commerçante du centre-ville.
Avec l'élection de François Hollande en 2012, il quitte sa ville pour devenir ministre de l'Intérieur, puis Premier ministre. «Même lorsqu'il était au gouvernement, il revenait souvent à Evry. C'était une présence discrète mais il était là», se souvient Christine. Pourtant, depuis son élection sur le fil à la tête de la première circonscription de l'Essonne en juin 2017, «on ne l'a pas beaucoup vu à Evry», déplore Marie, l'infirmière.
«Qu'il aille à Barcelone ça ne me dérange pas. Après tout, il est catalan ! Ce qui me dérange un peu, c'est sa façon de faire. Nous sommes les derniers au courant alors qu'il est notre député. A nous de tourner la page», poursuit-elle. Pour son adversaire du parti la France Insoumise aux dernières législatives, Farida Amrani, «cette situation n'a que trop duré. Il doit démissionner !», a-t-elle déclaré à l'AFP. Elle a d'ailleurs lancé une pétition appelant à la démission de celui qu'elle qualifie de «député fantôme». A ce jour, elle a recueilli près de 24.000 signatures.