«Peu m'importe si on nous traite de racistes mais ça ne peut tout simplement pas continuer comme ça!», s’emporte Paula Neubach, 39 ans, au milieu d’une nouvelle manifestation à l’appel de l’extrême droite.
«Il est normal d’aider les gens qui fuient leur pays en guerre», lui rétorque non loin de là Sabine Sterben, 55 ans.
Ainsi va Chemnitz, symbole depuis deux semaines des convulsions d’une société allemande dans son ensemble de plus en plus polarisée autour de la question des migrants et de la chancelière Angela Merkel. Vendredi soir, comme la semaine précédente, la droite ultra de cette ville saxonne a de nouveau invité la population à protester contre les étrangers et la politique du gouvernement, suite au meurtre de Daniel Hille le 26 août.
Insécurité
Cet Allemand de 35 ans a été tué de plusieurs coups de couteau et la police suspecte trois demandeurs d’asile irakiens et syrien. L’extrême droite s’est saisie de cet homicide pour dénoncer la hausse de l’insécurité dans le pays dont seraient responsables les centaines de milliers de demandeurs d’asile arrivés dans le pays suite à décision d’Angela Merkel de leur ouvrir les frontières il y a tout juste trois ans.
Mais aussi désormais pour demander une «révolution pacifique» visant à «changer le système Merkel».
«Nous ne sommes pas des nazis!», s'insurge Daniel Reichelt, 55 ans, venu avec 2.000 autres personnes à l'appel du mouvement patriotique Pro Chemnitz.
Les saluts hitlériens effectués lors de manifestations précédentes? «Des erreurs. Il y a des mauvaises personnes partout», balaye-t-il avant d'affirmer qu'il «en a marre des inégalités économiques et sociales» dans l'ex-RDA.
«Les salaires et retraites y sont toujours plus faibles qu'à l'Ouest et nous n'avons pas de travail», poursuit-il.
Le meurtre de Daniel Hille est pour ces gens emblématique. «On ne peut pas entrer comme ça dans un autre pays que le sien et tuer des gens», dénonce Paula Neubach.
Venue spécialement de Berlin, elle a tenu à déposer des fleurs sur le mémorial improvisé en hommage à la victime.
A quelques pas de là, autour de l'imposante statue de Karl Marx érigée devant une façade sur laquelle est inscrit en quatre langues son «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!», l'orateur chauffe le public.
«Qui a du coeur?», «Nous!», répond d'un seul homme la foule. Elle feint de ne pas entendre les provocations du millier de contre-manifestants de la gauche radicale leur faisant face mais dont la route est barrée par les forces de l'ordre.
Polarisation
Parmi ces derniers, Sabine Sterben n’arrive toujours pas à comprendre ce qui arrive à l’ancienne Karl-Marx-Stadt du temps de la RDA communiste, depuis deux semaines.
«Je n'aurai jamais cru qu'il y ait autant d'extrémistes dans ma villes, dit-elle, «il est vraiment important de défendre une position humanitaire» par les temps qui courent. Deux Chemnitz mais aussi au-delà deux Allemagne qui s’entrechoquent avec de plus en plus de virulence sur la question des migrants, jusqu’au sein du gouvernement à Berlin. La «mère de tous les problèmes» en Allemagne, a accusé cette semaine le très conservateur ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, qui soutient les manifestations d’extrême droite, quand Angela Merkel dénonce les messages de «haine» qu’elles véhiculent.
Un message que n’entendent guère les protestataires de Chemnitz. «Nous ne sommes pas racistes, j'ai moi-même des amis arabes, mais la criminalité a explosé depuis que les migrants sont là», affirme Uchi Tuhlman, 43 ans, alors que les chiffres officiels font état d'une baisse dans le pays.
«Nous voulons juste récupérer notre ville», abonde son voisin Tommy Scholz, 31 ans. «Nous sommes juste des patriotes, ne voulons pas de violence et en avons marre de nous taire», s'énerve-t-il.
Cette colère à Chemnitz n'étonne guère l'historien Klaus-Peter Sick, spécialiste de l’extrême droite.
«En RDA, moins ouverte sur le monde, les gens n'étaient que peu confrontés à des étrangers. L'Allemagne est restée plus allemande à l'Est qu’à l'Ouest», analyse-t-il.