Londres a nommément accusé jeudi le président russe Vladimir Poutine d'être responsable de l'attaque au Novitchok perpétrée en mars contre un ex-espion russe en Angleterre, avant une réunion au Conseil de sécurité de l'ONU sur cette affaire à l'origine d'une grave crise diplomatique avec Moscou.
Une accusation jugée «inadmissible», a réagi le Kremlin.
La Première ministre britannique Theresa May avait accusé mercredi le renseignement militaire russe (GRU) d'être à l'origine de l'empoisonnement, avec ce puissant agent innervant mis au point par l'Union soviétique, de l'ex-agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, le 4 mars à Salisbury (sud-ouest de l'Angleterre).
«En dernier ressort, bien sûr, il est responsable, c'est le dirigeant de l'Etat», a renchéri jeudi le secrétaire d'Etat britannique à la Sécurité, Ben Wallace, interrogée sur BBC Radio 4 sur la responsabilité de Vladimir Poutine dans ces opérations. «En dernier ressort il l'est, dans la mesure où il est le président de la Fédération russe et où c'est son gouvernement qui contrôle, finance et dirige le renseignement militaire». «Je ne pense pas que quiconque puisse dire que M. Poutine ne contrôle pas son Etat», a-t-il poursuivi. «Le GRU n'a pas la bride sur le cou».
«Veto» russe
Le Royaume-Uni a demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations unies, qui débutera à 15H30 GMT, pour informer ses membres de l'évolution de la situation, tandis que le chargé d'affaires russe à Londres a été convoqué au ministère des Affaires étrangères.
Depuis le départ, Londres accuse Moscou d'être à l'origine de l'attaque. Cette affaire avait engendré une grave crise diplomatique entre le Kremlin et les Occidentaux, débouchant sur une vague d'expulsions croisées de diplomates et l'adoption en août de sanctions économiques par les Etats-Unis. L'ambassadeur américain à Londres, Woody Johnson, et le gouvernement australien, ont exprimé leur soutien au Royaume-Uni.
Ben Wallace a déclaré que son gouvernement chercherait à «maintenir la pression» sur la Russie pour signifier que son «comportement est totalement inacceptable». Parmi les options envisagées figurent «davantage de sanctions», a-t-il précisé. «Bien sûr, en tant que membre permanent, la Russie défendra sa position en usant probablement d'un veto», a ajouté le secrétaire d'Etat, dont le pays dispose également d'un siège permanent au Conseil de sécurité.
Pseudonymes
Selon Londres, l'attaque a été perpétrée par deux «officiers» du GRU, identifiés par la police britannique comme étant les ressortissants russes Alexander Petrov et Ruslan Bochirov, deux noms toutefois soupçonnés d'être des pseudonymes. Un appel a été lancé au public pour pouvoir les identifier. Ils font l'objet d'un mandat d'arrêt pour conspiration en vue de commettre un meurtre, tentative de meurtre contre les Skripal et un policier britannique contaminé après leur avoir porté secours, et usage et possession de Novitchok.
Devant le Parlement mercredi, Theresa May a toutefois laissé entendre que Londres ne demanderait pas l'extradition des deux suspects, faute de pouvoir s'assurer d'une coopération satisfaisante de Moscou. La Russie, qui nie toute implication, a dénoncé mercredi une «manipulation de l'information». «Londres continue de faire preuve d'une diplomatie de mégaphone antirusse, en poursuivant son spectacle de propagande», a estimé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Les Skripal ont survécu à l'empoisonnement, ainsi que le policier leur étant venu en aide. Mais fin juin, le Novitchok avait fait deux nouvelles victimes à Amesbury, ville voisine de Salisbury, dont une est décédée. Charlie Rowley, 45 ans, et sa compagne Dawn Sturgess, 44 ans, avaient manipulé un flacon, qu'ils pensaient être une bouteille de parfum mais qui contenait l'agent innervant. Cette dernière, une mère de trois enfants, est morte le 8 juillet. Charlie Rowley avait, lui, pu quitter l’hôpital mais fin août il y avait été réadmis pour des problèmes de vision, selon son frère.