L'audition du candidat de Donald Trump à la Cour suprême a débuté mardi avec une féroce bataille politique, le président républicain dénonçant l'opposition «méprisable» des sénateurs démocrates à la confirmation de Brett Kavanaugh, qui pourrait ancrer du côté conservateur l'institution chargée d'arbitrer les questions brûlantes de société.
Après plusieurs heures sous le feu des démocrates, Brett Kavanaugh, 53 ans, a pris la parole en fin d'après-midi devant la commission judiciaire du Sénat américain, pour promettre d'être un juge «indépendant» s'il rejoint la haute instance judiciaire.
Les républicains disposent d'une courte majorité (51-49) au Sénat, qui a le dernier mot sur les nominations présidentielles, à vie, à la Cour suprême. Ses neuf magistrats jouent un rôle crucial car ils tranchent sur d'épineuses questions comme l'avortement, les lois sur les armes, le mariage pour tous, le système de santé ou encore le poids des syndicats.
«Un esprit ouvert»
Juge conservateur siégeant depuis une décennie à la cour d'appel de Washington, Brett Kavanaugh a juré de «garder un esprit ouvert», affirmant qu'il avait parfois tranché en faveur «des employés et parfois pour les entreprises, parfois pour les défenseurs de l'environnement et parfois pour les mineurs de charbon». «La Cour suprême ne doit jamais être perçue comme une institution partisane», a-t-il souligné.
Mais les sénateurs démocrates seront difficiles à convaincre. Ils avaient promis des «étincelles» et ont tenu parole en lançant une offensive inédite : dès les premières secondes de l'audition, ils ont exigé son report. Une demande rapidement rejetée par les républicains, sous les cris de manifestants qui s'étaient faufilés dans la salle. «Davantage de femmes vont être forcées d'avorter clandestinement», a hurlé une manifestante.
Des femmes vêtues de coiffes blanches et de robes rouges, à la manière des personnages du livre et de la série télévisée «La Servante écarlate» («The Handmaid's tale») s'étaient rassemblées dans les couloirs.
Les démocrates dénoncent l'arrivée tardive, lundi soir, de dizaines de milliers de documents censés alimenter les débats et liés au passage de M. Kavanaugh à la Maison Blanche en tant que conseiller de George W. Bush. Ils le soupçonnent d'avoir joué un rôle dans les décisions liées aux techniques d'interrogatoires musclées pendant les guerres en Irak et en Afghanistan.
Des prises de position inquiétantes
Les démocrates s'inquiètent également de son opinion, exprimée en 2009, que les présidents américains ne devraient pas être entravés dans leurs importantes fonctions par des poursuites judiciaires. Un point crucial puisque l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur la campagne de Donald Trump en 2016, fait planer la menace de poursuites contre le président républicain. Ses positions sur l'avortement et les lois régulant le port d'armes ont également occupé une grande part des discours des démocrates.
Les sénateurs républicains ont affirmé que jamais autant de documents n'avaient été livrés pour la confirmation d'un juge à la Cour suprême. Cette audition montre «à quel point l'autre côté est méchant, énervé et méprisable», a tempêté sur Twitter Donald Trump en direction des démocrates. «Ils sont prêts à dire n'importe quoi et cherchent juste à faire du mal et embarrasser l'un des juristes les plus réputés à avoir jamais été entendu par le Congrès. Tellement triste à voir !» L'audition doit durer entre trois et quatre jours.
Donald Trump a choisi Brett Kavanaugh le 9 juillet pour remplacer le juge Anthony Kennedy, parti à la retraite. Ce dernier jouait un rôle pivot, entre quatre conservateurs et quatre progressistes. Catholique pratiquant, sélectionné sur une liste approuvée par des organisations conservatrices, Brett Kavanaugh devrait la faire basculer du côté conservateur.
S'il était confirmé, il deviendrait l'un des plus jeunes magistrats de l'institution, avec Neil Gorsuch (51 ans), désigné par Donald Trump en 2017. De quoi assurer la teinte conservatrice de la Cour suprême pendant au moins une génération, comme l'avait promis le milliardaire pendant sa campagne en 2016, s'attirant le vote en masse des évangélistes.
Compte tenu de la fine majorité républicaine, une poignée de sénateurs pourrait faire basculer le vote: deux républicaines défendant le droit à l'avortement et trois à cinq démocrates faisant face à une dure réélection dans des Etats pro-Trump. La Maison Blanche apparaît confiante sur une confirmation avant les élections parlementaires du 6 novembre. Les démocrates espèrent regagner la majorité à la Chambre des représentants, voire au Sénat.
Leur virulente opposition à Brett Kavanaugh sous la lumière des caméras s'adresse donc aussi aux électeurs démocrates, avec un message : leur mobilisation compte s'ils veulent empêcher l'arrivée d'autres juges conservateurs.