Un an après le passage dévastateur de l'ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthelémy, la reconstruction se poursuit dans les deux îles, mais elle reste lente à Saint-Martin, plus touchée, et confrontée à des problèmes d'assurances et d'acheminement de matériaux.
Les 5 et 6 septembre 2017, Irma, d'une intensité sans précédent sur l'Atlantique, a dévasté les Caraïbes, faisant notamment 11 morts à Saint-Martin, et endommageant à divers degrés 95% du bâti dans les deux îles. Le coût total des dommages est estimé à trois milliards, dont près de deux pour les biens assurés.
A Saint-Barthelémy, où l'ouragan a causé moins de ravages, les stigmates sont aujourd'hui peu visibles. «L'île a remonté la pente très vite, la reconstruction est quasiment réglée, et la saison touristique va pouvoir se dérouler dans des conditions excellentes», assure Philippe Gustin, délégué interministériel à la reconstruction et préfet de Guadeloupe.
«Pour Saint-Martin, les choses sont plus compliquées», en raison de l'ampleur des dégâts, la division du territoire entre les parties française et néerlandaise, la taille de l'île (qui comptait 35.000 habitants en partie française avant l'ouragan contre 9.500 à Saint-Barth), et la situation fragile en termes socio-économiques et d'urbanisme. «On part de loin. Irma a été le révélateur de dysfonctionnements préexistants», dit-il.
Un peu partout, des toitures recouvertes de bâches et des maisons non réparées témoignent encore de la puissance du cyclone. A d'autres endroits, des toits sont en chantier. Des familles y vivent encore, mais plus personne n'est logé dans les centres d'hébergement d'urgence.
«Petit à petit on revient, c'est dur, c'est un travail de longue haleine», admet le président de la collectivité de Saint-Martin, Daniel Gibbs.
Dans ce territoire qui concentre une population aux ressources financières limitées - avec seulement 40% de propriétaires assurés- et une immigration massive, la reconstruction a été en partie freinée par le retard des assureurs. Notamment lié aux difficultés pour les experts à se rendre dans l'île après Irma, et aux nombreuses contre-expertises déposées par les particuliers.
BTP débordé
«Beaucoup ont attendu l'argent de l'assurance, et maintenant certains hésitent à se lancer dans des travaux à l'approche de la nouvelle saison cyclonique», explique Daniel Gibbs. «Sur les bâtiments privés, on a une reconstruction quand même importante", nuance M. Gustin, qui souligne aussi les efforts pour l'enfouissement des lignes électriques et des réseaux de téléphonie numérique.
Autre frein, le difficile acheminement des matériaux, dans une île où 80% des marchandises passaient par le seul port en eaux profondes, Phillipsburg, en partie hollandaise, qui ne refonctionne qu'à 40%. Et le secteur du BTP, débordé, manque de ressources humaines qualifiées, note Daniel Gibbs.
«Nous sommes astreints à une réglementation nationale et européenne», ajoute le président de la collectivité. Il a fallu créer une «carte des aléas climatiques» pour redéfinir les zones à risques, puis de nouvelles règles d'urbanisme pour «reconstruire différemment», sur un territoire qui ne disposait pas de plan d'urbanisme.
Pour la reconstruction des bâtiments publics, «la collectivité a pris du retard, mais elle n'avait pas la capacité d'ingénierie suffisante pour faire face à de tels chantiers», analyse le délégué à la reconstruction. Si la rentrée scolaire doit se dérouler «correctement» dans le primaire, des bâtiment préfabriqués sont prévus dans le secondaire.
Quand au secteur touristique, «tout porte à croire que l'activité va reprendre en décembre», même si seulement 800 chambres seront disponibles, soit la moitié de ce qui existait auparavant. «Les établissements prennent plus de temps pour reconstruire, car ils en profitent pour moderniser», explique M. Gibbs.
L'île doit aussi faire face à une gestion problématique des déblais et épaves de voitures. Malgré une campagne de nettoyage, les vestiges d'Irma sont encore présents, lié à la saturation de la décharge et à un manque de civisme. «Il y a une tendance à déposer des détritus n'importe où, c'est pas la meilleure des cartes touristiques», regrette Philippe Gustin.
Autre pollution visuelle, la forte proportion de copropriétés à l'abandon, dont les propriétaires, qui avaient investi dans des programmes de défiscalisation, ne se manifestent pas ou se refusent à reconstruire. Ces «dents creuses» constituent aussi un risque en cas de nouvel ouragan, soulignent les autorités.