Un discours de dix minutes pour en finir avec huit ans de tutelle des créanciers, mais avec un fort symbole : le Premier ministre grec Alexis Tsipras a choisi mardi l'île d'Ithaque, dernière étape de l'Odyssée, pour annoncer que son pays avait «repris en main son destin».
Pour illustrer le premier jour de «la nouvelle ère» d'une Grèce débarrassée des memoranda (plans d'aide internationaux NDLR), le Premier ministre s'est rendu sur l'île d'Ulysse, où celui-ci est revenu après son long et difficile voyage, selon le poème d'Homère (VIIIe siècle av. JC).
«Un nouveau jour s'est levé», «un jour historique (...), celui de la fin des politiques d'austérité et de la récession», a-t-il lancé dans cette courte allocution prononcée en simple chemise blanche devant les caméras de la télévision publique Ert, à la lumière de midi et depuis une colline avec la baie en arrière-plan.
La Grèce «reprend aujourd'hui en main son destin et son avenir», s'est-il félicité.
«D'Ithaque au (reste du) monde», proclamait en anglais une banderole brandie par un supporteur.
«Beaucoup de travail»
La manière de célébrer la fin des plans d'aide a dû être pesée longtemps par les services du Premier ministre, alors qu'une population désabusée lui reproche depuis un mois une mauvaise gestion opérationnelle des incendies meurtriers à Mati, près d'Athènes, qui ont tué 96 personnes.
S'autorisant à sourire publiquement pour la première fois depuis le drame, Alexis Tsipras a pris ensuite un petit bain de foule, accompagné du maire soutenu par son parti de gauche radicale Syriza.
«C'est le premier bain de foule post-memoranda donc c'est agréable (...) Mais nous avons beaucoup de travail qui nous attend», a-t-il dit à un reporter.
Dans son discours, il a multiplié les références à l'Odyssée, comparant le courage des Grecs à celui d'Ulysse.
«L'Odyssée moderne que notre pays a traversée depuis 2010 a pris fin», a-t-il ajouté, en forme de conclusion aux huit ans de réformes aux forceps imposées à la Grèce par ses créanciers, l'Union européenne (UE) et le FMI, à coups de baisses de salaires et de retraites, et de hausses d'impôt.
En forme de réponse peut-être aussi à l'ancien Premier ministre socialiste Georges Papandreou, qui, fin avril 2010, depuis la petite île de Kastellorizo en mer Egée, à l'autre extrémité de la Grèce, avait annoncé le premier prêt international accordé au pays.
«Retourner à Ithaque»
«Une nouvelle Odyssée pour les Grecs, mais nous connaissons le chemin pour retourner à Ithaque», avait lancé le dirigeant d'alors.
Depuis ce coup d'envoi, les politiques d'austérité ont coûté au pays un quart de son Produit intérieur brut (PIB) et une explosion du chômage.
M. Papandreou a perdu son poste, et le pays a connu quatre élections législatives entre 2012 et 2015, marquées par l'émergence «des bandes fascistes», a rappelé M. Tsipras mardi, allusion à l'entrée en 2012 au Parlement du parti néo-nazi Aube dorée, qui avait prospéré sur le désespoir régnant dans le pays.
M. Tsipras a dû lui-même, contre toutes ses promesses de campagne, signer en juillet 2015, six mois après son élection, le troisième et dernier plan de prêts au pays, qui a pris fin lundi.
Au total, la Grèce a reçu 289 milliards d'euros de prêts en trois programmes (2010, 2012 et 2015).
Tandis que M. Tsipras réservait ses effets pour mardi, premier jour de l'après-programmes, les dirigeants de l'Union européenne ont multiplié lundi, date de fin du troisième programme, les louanges aux «efforts et aux sacrifices des Grecs» mais aussi à la solidarité des Européens dans ce sauvetage.
Ils ont toutefois prévenu qu'Athènes doit continuer à respecter ses engagements vis-à-vis de ses créanciers, et poursuivre des politiques strictes pour dégager suffisamment d'excédents budgétaires pour rembourser ses dettes.
La Grèce est le dernier pays, après le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et Chypre, à sortir des plans d'aide internationaux qui leur ont évité de sombrer pendant la crise, et d'entraîner peut-être la zone euro avec eux.