En Iran, un phénomène prend de l’ampleur : les femmes qui refusent de porter le voile utilisent leur téléphone portable pour filmer les comportements agressifs auxquels elles s’exposent, avant de partager les vidéos sur les réseaux sociaux, accompagnées du hashtag #MyCameraIsMyWeapon («Ma caméra est mon arme»).
Certaines de ces séquences ont d’ores et déjà été partagées des milliers de fois. C’est notamment le cas de cette vidéo, datée du 12 aout, sur laquelle on peut voir une jeune femme iranienne être insultée par un homme en pleine rue car elle ne porte pas le voile.
Une iranienne se fait traiter de "femme sans honneur" et de "pute" parce qu'elle ne porte pas de voile.
Loin de se démonter, celle-ci affronte courageusement son harceleur.#MyCameraIsMyWeapon#NousSommesLeursVoix pic.twitter.com/6yxkQJtcp4— Anton Struve (@AntonStruve) 12 août 2018
De fait, depuis la révolution islamique de 1979, le port d’un voile recouvrant l’intégralité des cheveux ainsi qu’une tenue ample sont devenus obligatoires pour les femmes iraniennes. Si les règles se sont légèrement assouplies depuis l’élection d’Hassan Rohanni en 2013, certains comportements n’ont, eux, pas changé.
Pourtant, les femmes iraniennes osent de plus en plus laisser leurs cheveux apparaître, au risque de subir ces comportements. Le hashtag #MyCameraIsMyWeapon a, depuis, pris une ampleur considérable. Notamment depuis la diffusion d’une séquence, datée d’avril dernier, montrant une jeune femme en train de se faire violenter par une agente de la police des mœurs, dans un parc à Téhéran, comme l'a rapporté Le Figaro.
Cette vidéo a notamment été partagée par Masih Alinejad, une journaliste et féministe iranienne en exil aux États-Unis. Elle a lancé, dès 2014, une page Facebook sur laquelle elle exhorte les femmes à retirer leurs voiles, et à poster une photo d’elles tête découverte. Le compte Twitter «My Stealthy Freedom», qui poursuit le même but, a également partagé cette vidéo.
Depuis, le hashtag #MyCameraIsMyWeapon a pris une autre ampleur. Les séquences se multiplient, largement partagées et relayées par de nombreux comptes Twitter internationaux. Bien souvent, les femmes insultées prennent à partie les passants, les incitant à prendre leur défense. Certains le font parfois spontanément, mais ces comportements semblent encore trop rares.
Dans un bus, des passagers défendent une jeune fille jugée "mal voilée" et harcelée par une femme chargée de veiller à la préservation de la moralité dans l'espace public iranien.#WhiteWednesdays#NousSommesLeursVoix pic.twitter.com/M33BYDiimh
— Anton Struve (@AntonStruve) 1 août 2018
Masih Alinejad reste l’une des voix les plus médiatiques de ce mouvement. En France, elle a trouvé en Anton Struve un relais efficace. Ce juriste, interrogé par Le Figaro au sujet de son implication dans cette lutte, raconte avoir été contacté par la journaliste et militante féministe après un article qu’il a consacré au mouvement #MyCameraIsMyWeapon. Depuis, il traduit bénévolement, avec une équipe, un certain nombre de ces vidéos pour les rendre accessibles au public international.
Le nouvel hashtag #MyCameraIsMyWeapon (ma caméra est mon arme) devient viral. Les iraniennes utilisent leur smartphone pour dénoncer le harcèlement de rue.#MyCameraIsMyWeapon #WhiteWednesdays#MyStealthyFreedom#NousSommesLeursVoix pic.twitter.com/5p1zFJk4P2
— Anton Struve (@AntonStruve) 20 avril 2018
A l'aéroport, une jeune femme est harcelée par un policier iranien. Celui-ci l'empêche de quitter le territoire en retenant son passeport parce qu'elle porte un jean.#MyCameraIsMyWeapon #NousSommesLeursVoix pic.twitter.com/kH4Yr5yuMn
— Anton Struve (@AntonStruve) 8 août 2018
Cette médiatisation à l’international pousse les responsables politiques à réagir. Ainsi, Hassan Rohanni, le président iranien s’est prononcé au sujet de ces vidéos, estimant que «la promotion de la vertu» ne pouvait fonctionner «en utilisant la violence». Notant que «les téléphones portables sont la façon de promouvoir la vertu et d’interdire le vice», il a ajouté : «Je ne sais pas pourquoi certaines personnes n'aiment pas les portables ou les réseaux sociaux.»