Tout juste acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), l'ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba revient mercredi en République démocratique du Congo onze ans après avoir quitté le pays pour participer à l'élection présidentielle supposée organiser le départ du président Joseph Kabila.
«En route vers la terre de mes ancêtres, ma patrie», a twitté dans la nuit de mardi à mercredi l'ex-vice-président, 55 ans, avec des photos de son embarquement à bord d'un jet privé en Belgique pour un vol de sept à huit heures.
Bemba, 55 ans, est annoncé par ses proches vers 09h00 GMT à Kinshasa où il veut déposer dès jeudi sa candidature à l'élection prévue le 23 décembre pour désigner le successeur du président Kabila.
Le chef de l'Etat ne peut plus se représenter mais n'a toujours pas désigné de «dauphin» à une semaine de la date-butoir du dépôt des dossiers le 8 août.
Les pro-Bemba du Mouvement de libération du Congo (MLC), désormais de sages parlementaires et non plus des miliciens, rêvaient à voix haute d'«un million de personnes» pour mesurer la popularité de leur héros avant son retour dans les joutes politiques congolaises.
Dans les faits, ce sont surtout des centaines de policiers avec des camions anti-émeute qui étaient déjà déployés mercredi matin entre le centre-ville et l'aéroport (25 km), ont constaté deux journalistes de l'AFP.
Aux premières heures de ce 1er août, jour férié en RDC, l'affluence dans les rues était ordinaire, à part au siège du MLC où environ 250 personnes étaient déjà réunies. Seule une centaine de personnes se trouvaient aux abords de l'aéroport de N'Djili, d'après une journaliste de l'AFP.
«S'ils osent nous empêcher de lui réserver un accueil digne, nous réagirons vigoureusement», prévient un militant du MLC en costume, Hilaire Engomba, juriste, la quarantaine.
«J’espère juste qu’il n’y aura pas de débordements et que tout se passera le mieux possible. J’espère qu’il n’y aura pas de provocations non plus», a lui-même déclaré M. Bemba au journal belge Le Soir juste avant son départ de Bruxelles.
«Incidents»
Mardi soir, la garde rapprochée de M. Bemba, emmenée par la charismatique députée Eve Bazaiba, n'a pas trouvé d'accord avec le ministre de l'Intérieur Henri Mova -un dur parmi les durs dans l'entourage de Kabila- sur les modalités de ce retour.
Les autorités souhaitent que le cortège de M. Bemba traverse les boulevards Lumumba et Triomphal à 40 km/heure, à la grande colère des pro-Bemba qui veulent prendre le temps des bains de foule.
Les autorités ne souhaitent pas que M. Bemba emménage dans sa résidence familiale située tout près de la résidence officielle du chef de l'Etat. «Kabila ne veut pas qu'il rentre chez lui. S'il y a incidents, il y en aura», s'est enervé le député et cadre du MLC Fidèle Babala.
En matière de test de popularité, les partisans de M. Bemba n'éviteront pas la comparaison avec le retour il y a quasiment deux ans jour pour jour de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, qui avait drainé des centaines de milliers de personnes.
Depuis ce 27 juillet 2016, les autorités congolaises empêchent tout rassemblement de masse de l'opposition, sur fond de report des élections depuis la fin du deuxième et dernier mandat de M. Kabila le 20 décembre 2016.
poliBemba retrouve une ville qu'il avait quittée le 11 avril 2007 après des combats meurtriers entre sa milice et l'armée de Kabila (environ 250 morts).
Depuis, l'ex-vice-président et rival malheureux du président Kabila aux élections de 2006 a passé dix ans dans les prisons de la CPI, condamné en juin 2016 à une peine de 18 ans pour des exactions de sa milice en Centrafrique en 2002-2003.
Son acquittement-surprise en juin avait provoqué la joie de ses fidèles dans l'ouest de la RDC et une certaine mansuétude des «Katangais» du pouvoir, qui avaient facilité son retour au pays avec la délivrance d'un passeport diplomatique.
Après son dépôt de candidature, M. Bemba compte se rendre samedi dans son fief familial de Gemena (nord-ouest) sur la tombe de son père, un homme d'affaires qui a fait fortune à l'époque du maréchal Mobutu. C'est d'ailleurs là-bas, dans la province de l'ex-Equateur, qu'il aurait voulu commencer son test de popularité pour son retour au pays - mais il en a été empêché par les autorités.