Accusé de fraude fiscale et de blanchiment, l'ex-chef de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, comparaît mardi devant un juge en ouverture du premier procès découlant de l'explosive enquête russe, cible des foudres du président américain qui dénonce sans relâche une «chasse aux sorcières».
Traits creusés, tempes blanchies : signe de sa chute brutale en disgrâce, l'ancien influent lobbyiste montrait en juillet un visage radicalement différent de la silhouette tirée à quatre épingles, mèche soigneusement coiffée sur le côté, qu'il présentait depuis des années à Washington.
Ancien collaborateur des républicains Ronald Reagan et Bob Dole, ex-représentant de sulfureux dirigeants étrangers, il a pris la tête de la campagne de Donald Trump entre mai et août 2016.
Mais si c'est le procureur spécial Robert Mueller, chargé d'enquêter sur les soupçons d'ingérence russe dans la présidentielle américaine, qui l'a mené sur le banc des accusés, la question cruciale d'une possible collusion entre des membres de la campagne Trump et Moscou ne devrait pas être abordée pendant ce procès.
Il porte en effet sur des faits antérieurs au passage de Paul Manafort à la tête de l'équipe Trump.
Tenu loin de Trump
A 69 ans, Paul Manafort est accusé de blanchiment ainsi que de fraudes fiscale et bancaire liés à ses activités de lobbyiste pour l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, soutenu par Moscou, et deux partis pro-Ianoukovitch, jusqu'en 2015. Des faits mis à jour par Robert Mueller à la faveur de son enquête russe.
Paul Manafort rejette toutes ces accusations. Son procès doit démarrer avec la sélection des douze jurés à 10H00 (14H00 GMT) mardi à Alexandria, près de Washington et devrait durer trois semaines.
Mardi matin, une poignée de manifestants anti-Trump étaient réunis devant le tribunal. «Trump ne passerait pas une seconde en prison pour toi», disait l'un des panneaux brandis.
Alors que l'ire du président va crescendo contre les investigations de Robert Mueller, ce procès ultra-attendu embarrasse la Maison Blanche.
Paul Manafort «n'a aucune information incriminant le président», a martelé lundi l'avocat de Donald Trump, Rudy Giuliani, sur CNN. Puis d'ajouter, en soulignant la courte durée de son passage à la tête de la campagne : «C'est juste... quatre mois, ils ne vont pas se mettre à comploter sur les Russes».
Espoir d'une grâce ?
Les procureurs devraient appeler à la barre plus de trente témoins, dont son ancien associé Richard Gates qui coopère avec Robert Mueller depuis qu'il a accepté de plaider coupable en février.
Parmi la trentaine d'individus déjà visés par le procureur spécial, dont une majorité de Russes, Paul Manafort est le seul Américain à avoir refusé de passer un accord avec la justice pour éviter un procès.
«Manafort est resté loyal» à Donald Trump, souligne Jonathan Turley, professeur de droit à l'université George Washington.
Il estime peut-être que ce procès lui permet de préserver «ses chances d'obtenir une grâce» présidentielle, explique-t-il à l'AFP. En attendant cette perspective encore improbable, l'ancien lobbyiste fait face à un procès «extrêmement difficile», poursuit-il.
«Manafort, avec l'aide de Gates, a blanchi plus de 30 millions de dollars de revenus», écrivait Robert Mueller dans son acte d'accusation en février. Fraudant le fisc, le lobbyiste «a dépensé des millions de dollars dans des biens et services de luxe pour lui et sa famille».
Même si seulement l'un des chefs était retenu, Paul Manafort pourrait être envoyé en prison «pendant jusqu'à une décennie», selon Jonathan Turley.
Face à un jury qui ne risque pas d'être attendri par le récit de ses dépenses exorbitantes, l'accusation «apportera le coup de grâce» avec le témoignage à charge de Richard Gates, prévoit le professeur.
«Conflits d'intérêt»
Paul Manafort doit faire face à un second procès en septembre, à Washington, toujours dans le cadre de l'enquête Mueller qui l'accuse cette fois, notamment, de blanchiment d'argent et de ne pas avoir déclaré ses services de lobbyiste en faveur d'un gouvernement étranger.
Il avait été écroué en juin pour tentative de subornation de témoin. A l'époque, Donald Trump avait dénoncé une «peine sévère».
Mardi matin, le président américain a une nouvelle fois affirmé sur Twitter qu'il n'y avait pas eu de collusion et que de toute façon ce n'était pas un crime. Une ligne de défense utilisée la veille par Rudy Giuliani.