Le gouvernement grec a annoncé jeudi soir avoir saisi la justice d'un «élément sérieux» pouvant indiquer que l'incendie qui a fait plus de 80 morts lundi à l'est d'Athènes était d'origine criminelle.
«Un élément sérieux nous a conduit à ouvrir une enquête» après l'incendie de Mati, a annoncé lors d'une conférence de presse le ministre adjoint à la Protection du citoyen, Nikos Toskas.
Pour un autre incendie, violent mais qui n'a pas fait de victime à Kineta, du côté ouest de l'Attique, M. Kostas a évoqué aussi «de sérieux éléments» évoquant un incendie volontaire.
M. Toskas, qui était en compagnie du responsable des pompiers et du porte-parole du gouvernement, Dimitris Tzanakopoulos, a évoqué également «des témoignages», sans en dire plus.
Les officiels, carte satellitaire à l'appui, ont fait valoir également que 13 feux étaient partis en même temps en Attique lundi, un fait déjà souligné par M. Tzanakopoulos au lendemain du drame.
Le gouvernement semble ainsi décidé à parer aux critiques qui commencent sur la gestion du drame par les autorités.
M. Tzanakopoulos a ainsi assuré que «l'évacuation de Mati n'était pas possible car le phénomène a duré à peine une heure et demie», sur fond de vents «les plus forts enregistrés ces huit dernières années», à environ 120 km/h.
Le bilan humain de ces feux, les plus meurtriers du siècle après ceux d'Australie en 2009, s'est alourdi à 82 morts, a annoncé la porte-parole des pompiers, Stavroula Maliri.
Parmi eux figure un jeune marié irlandais, a indiqué l'ambassade d'Irlande en Grèce. Selon la presse britannique, le couple, marié jeudi dernier, était en voyage de noces quand leur voiture a été prise dans les flammes. L'épouse, Zoe, a pu gagner la plage, mais elle souffre de brûlures à la tête et aux mains.
Les pompiers poursuivent les recherches
Jusque là, trois autres touristes ont été recensés parmi les victimes: deux Polonais, une mère et son fils, et un Belge, dont la fille adolescente a été sauvée. Onze blessés restaient par ailleurs dans un état critique. Les pompiers continuent de ratisser le secteur, à la recherche d'éventuelles nouvelles victimes.
Vu l'état des corps, il est possible que «des disparus figurent parmi les victimes découvertes», a souligné Mme Maliri.
L'identification des défunts devrait désormais s'accélérer : Mme Maliri a appelé dans la soirée les proches des disparus à se rendre au service de médecine légiste, pour «information sur la procédure».
La mairie de Rafina craint que le nombre des victimes puisse atteindre une centaine, beaucoup plus que les derniers feux meurtriers dans le Péloponnèse (sud) et en Eubée (est) en 2007, qui avaient fait 77 morts.
Climat lourd
L'incendie a pris lundi après-midi sur le mont Penteli, puis a été attisé par des vents de 100 km/heure, les flammes se sont alors propagées en moins d'une heure aux habitations, dont beaucoup de résidences secondaires.
Certains ont été brûlés vifs dans leurs voitures en tentant de fuir, d'autant qu'un embouteillage de dizaines de véhicules s'était formé sur la petite route côtière, d'autres ont cherché à gagner la mer mais ont été arrêtés par la falaise qui borde les lieux à certains endroits et pas à d'autres.
Les plus chanceux ont réussi à se mettre à l'abri dans la mer, comme Andréas Matsios, qui loue à des touristes le premier étage de sa maison de Mati, désormais carbonisée.
«En 40 ans ici (...) nous avons vu de nombreux feux sur Penteli tous les ans, mais nous n'avons jamais imaginé qu'ils descendraient jusqu'à Mati», poursuit cet homme.
«La saison touristique est terminée, comment peut-on réparer tous ces dégâts? Heureusement nous sommes vivants», assène Mahi Kourassi, 45 ans, qui loue également des appartements à Mati.
Mais dans ce climat extrêmement lourd, une polémique sur la gestion de cette catastrophe commence à émerger.
Le gouvernement, outre qu'il a déclaré un deuil de trois jours, avec mise en berne des drapeaux, a rapidement assuré que toutes les familles seraient indemnisées, qu'il prendrait en charge les obsèques, et exonérerait les rescapés de la taxe foncière et du paiement de l'électricité pour 2018.
Le Premier ministre Alexis Tsipras a souligné à quel point le phénomène était «extrême», tandis que son porte-parole Dimitris Tzanakopoulos mettait l'accent sur la simultanéité dans cette affaire de «15 départs de feu sur trois fronts différents» en Attique.
Titrant «le pays est nu», le grand quotidien d'opposition Ta Nea critiquait néanmoins «l'incapacité (…) et l'échec du gouvernement à protéger ses citoyens à quelques kms d'Athènes» et appelait à rechercher des responsabilités.
Le site internet BankingNews dénonçait aussi «un mécanisme gouvernemental inexistant, à la fois au niveau de la coordination et de l'action pour échapper le drame».
«On n'a pas eu le temps» de mettre en marche le plan d'évacuation, à cause de la vitesse du vente, a plaidé cependant un haut responsable de la Protection civile auprès du quotidien Kathimerini.
Mais le deuil restait principalement de rigueur, avec plusieurs journaux affichant des unes noires mercredi, avec des titres comme «Armageddon» (Ethnos), «Deuil, angoisse, solidarité» (Journal des rédacteurs).
«Changement climatique»
Le spectacle macabre de 26 personnes carbonisées et découvertes enlacées par groupes dans un terrain près de la falaise a notamment fortement choqué le pays et ailleurs.
«La Grèce est en deuil et l'Europe aussi», a déclaré le commissaire européen Chrístos Stylianídes, responsable de l'aide humanitaire, qui s'est rendu en Grèce mardi soir et s'est entretenu avec le ministre adjoint de la Protection civile, Nikos Toskas.
Il a assuré de «la solidarité européenne» à la Grèce, qui a activé le mécanisme européen de protection civile et s'est vu offrir de l'aide, surtout en moyens aériens par l'Espagne, la France, Israël, la Bulgarie, la Turquie, l'Italie, la Macédoine et le Portugal.
Le commissaire a déploré «la vague de feux en Europe actuellement, également en Suède» dont les raisons, selon lui, ont trait au «changement climatique».
Par ailleurs, à Kineta, à 50 km dans l'ouest d'Athènes, un feu de forêt sur les hauteurs du mont Gerania, continuait de brûler pour la troisième journée consécutive sans menacer encore les habitations, mais certains quartiers ont été évacués par précaution, selon les pompiers.