Le nombre de civils tués en Afghanistan sur les six premiers mois de l'année a atteint un record de près de 1.700 morts, dus en majorité aux attentats du groupe jihadiste Daesh, le pire bilan en dix ans selon l'Onu.
Malgré trois jours de cessez-le-feu en juin entre talibans et forces gouvernementales, la période du 1er janvier au 30 juin s'avère la plus meurtrière depuis que la Mission d'assistance des Nations unies à l'Afghanistan (Manua) a commencé à comptabiliser les victimes civiles en 2009, selon son bilan semestriel publié dimanche.
La capitale Kaboul et la province du Nangarhar, dans l'est, ont été les plus touchées.
Le 30 avril, un double attentat-suicide au milieu des reporters accourus pour couvrir une première explosion visant le siège des renseignements afghans dans la capitale a fait 25 morts, dont neuf journalistes. Parmi eux, le chef photographe de l'AFP Shah Marai.
Dans le Nangarhar, le nombre de victimes civiles a pratiquement doublé en un an (304 morts, 607 blessés) du fait des attentats, y compris durant le cessez-le-feu dont Daesh était exclu
Au total 5.122 victimes ont été enregistrées sur ces six mois, morts et blessés confondus, dont 1.692 civils tués pour plus de la moitié (52%) dans des attentats attribués à Daesh.
La préparation des élections législatives d'octobre, les premières depuis 2010, occasionne des violences supplémentaires relève l'Onu : 117 personnes ont été tuées et 224 blessées dans des attentats contre les centres d'inscriptions sur les registres électoraux, ouverts le 14 avril.
Opérations aériennes
Le groupe jihadiste apparu début 2015 dans la province, frontalière du Pakistan, en a fait sa base arrière même si les forces américaines ont accentué la pression pour le chasser de ses bastions il est toujours présent.
Les talibans, qui ont observé la trêve de l'Aïd-El-Fitr avec le gouvernement du 15 au 17 juin, sont responsables de 40% des morts sur la même période, estime l'Onu. Un attentat à l'ambulance piégée revendiqué par les talibans fin janvier à Kaboul avait fait plus de 100 morts au coeur de la ville.
Dans ce conflit qui s'éternise --près de quarante ans au total, dont dix-sept depuis l'arrivée des Américains en octobre 2001-- les attentats constituent désormais le principal danger pour les civils, opérations suicide et attaques complexes (déclenchées par un kamikaze, suivies d'occupation des sites visés et échanges de tirs).
Les combats terrestres n'arrivent qu'au deuxième rang des causes de mortalité et de blessures dans la population, en baisse de 18% sur la période.
«Le bref cessez-le-feu a prouvé qu'il est possible d'arrêter les combats et que les civils afghans n'ont pas à subir plus longtemps les brûlures de la guerre», a estimé Tadamichi Yamamoto, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU commentant le rapport.
Pour la Manua, l'expansion des opérations aériennes a également entraîné une très forte augmentation du nombre de victimes civiles dues aux bombardements aériens (+52%) comparé à la même période l'an dernier, avec 149 morts et 204 blessés civils.
L'éducation visée
Plus de la moitié de ces victimes (52%) sont attribuables aux forces aériennes afghanes, montées en puissance et 45% aux avions américains, les seuls de la coalition occidentale conduite par l'Otan à mener des opérations.
La Mission de l'Onu relève par ailleurs «une tendance émergente» qui l'inquiète à cibler des bâtiments éducatifs : dans la seule province du Nangarhar, encore, elle a enregistré treize attaques attribuées à Daesh rien qu'au cours du mois de juin.
«Les islamistes avaient menacé de s'en prendre aux écoles de filles en représailles aux raids aériens», rappelle la Mission.
Le groupe a ainsi attaqué la semaine dernière un bâtiment du département de l'éducation à Jalalabad, capitale du Nangarhar, faisant onze morts. Il s'en était déjà pris à ce département le 11 juin : un kamikaze avait fait une dizaine de blessés.
Pour Danielle Bell, chef de la Division droits humains de la Manua, ce sont plus largement les droits des enfants qui sont bafoués par le conflit. Elle a comptabilisé 1.355 victimes dans leurs rangs sur les six mois, dont 363 morts : «cette violence continue érode les droits des enfants à l'éducation mais aussi à la santé, à la liberté de mouvement, à une vie de famille, le droit à jouer dehors, à simplement profiter de leur enfance», dénonce-t-elle.