Le procureur spécial chargé de l'enquête sur une ingérence du Kremlin dans la présidentielle américaine de 2016 a inculpé vendredi douze agents du renseignement russe pour avoir piraté les ordinateurs du parti démocrate pendant la campagne, à trois jours d'un sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
Treize ressortissants et trois sociétés russes ont déjà été inculpés en février par le procureur Robert Mueller, accusés d'avoir mené une «guerre de l'information» sur les réseaux sociaux pour déstabiliser le système politique américain pendant la campagne. Le Kremlin a rejeté toutes ces accusations.
Les inculpés, tous membres des services de renseignement de l'armée russe (GRU), sont accusés d'avoir «comploté de manière intentionnelle (...) pour obtenir un accès non-autorisé aux ordinateurs de personnes ou entités américaines impliquées dans l'élection présidentielle américaine, voler des documents depuis ces ordinateurs et organiser la publication de ces documents pour s'ingérer dans l'élection», selon l'acte de mise en accusation. Aucun des inculpés ne semble bénéficier d'une importante notoriété en Russie.
Des unités du GRU auraient piraté à partir de mars 2016 des ordinateurs des membres de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton et ceux de comités du Parti démocrate liés aux élections, où ils auraient implanté des virus et des programmes malveillants. Le piratage aurait duré jusqu'au scrutin présidentiel en novembre.
Les agents auraient alors utilisé un faux site internet, DCLeaks, et un faux pirate informatique dénommé Guccifer 2.0, pour diffuser les documents volés sur internet. Ils auraient également transféré des documents «à une autre organisation qui n'est pas nommée» mais qui est vraisemblablement WikiLeaks.
L'annonce intervient trois jours avant une rencontre entre Donald Trump et son homologue russe, Vladimir Poutine, à Helsinki, où les deux responsables devraient évoquer le sujet.
«Je vais absolument et fermement poser la question» de l'ingérence russe, a affirmé vendredi le président américain, qui dément toute collusion avec la Russie pour gagner l'élection et qualifie de «chasse aux sorcières» l'enquête du procureur spécial.
Sarah Sanders, porte-parole de l'exécutif américain, a confirmé dans la soirée que la rencontre aurait bien lieu comme prévu, lundi à Helsinki.
«Des décisions très importantes»
Le N.2 du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, a pour sa part démenti tout lien entre les inculpations et le tête-à-tête d'Helsinki.
La date de cette annonce «est celle des faits, des preuves et de la loi qui détermine ce qui est suffisant pour présenter une inculpation à cet instant», a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse, soulignant que M. Trump avait été informé de ces inculpations. «Il était important que le président sache quelles informations nous avions découvertes car il doit prendre des décisions très importantes pour le pays», a expliqué M. Rosenstein.
Une porte-parole de la Maison Blanche s'est félicitée que ces mises en accusation écartent selon elle l'hypothèse d'une coopération.
Lindsay Walters a souligné «l'absence d'allégation sur une implication intentionnelle de quiconque au sein de la campagne (Trump) et l'absence d'allégation sur le fait que ce piratage a affecté le résultat de l'élection, ce qui correspond à ce que nous avons toujours dit».
Quatre conseillers de la campagne de Donald Trump ont été poursuivis pour leurs liens avec des responsables russes, mais aucune preuve d'une collusion pour influencer la présidentielle n'a été établie.
En juin 2017, la candidate démocrate Hillary Clinton avait accusé l'équipe de M. Trump et la Russie de s'être coordonné pour faire dérailler sa campagne et favoriser la victoire de son adversaire républicain.
Elle avait pris l'exemple des messages piratés du président de son équipe de campagne, John Podesta, qui avaient été diffusés par WikiLeaks en octobre, dans l'heure ayant suivi la divulgation dans la presse d'une vidéo de Donald Trump tenant des propos obscènes sur les femmes.
En juillet 2016, trois jours avant l'ouverture de la convention démocrate, WikiLeaks avait aussi publié près de 20.000 messages piratés des comptes de sept responsables du parti démocrate. Ces courriels montraient notamment la méfiance et le mépris de responsables du parti pour Bernie Sanders, l'ex-rival de Mme Clinton pour la primaire démocrate.