Les enquêteurs mènent une course contre la montre à Salisbury, pour retrouver l'objet au contact duquel un couple a été empoisonné au Novitchok, une affaire qui relance les tensions entre Londres et la Russie, quatre mois après l'empoisonnement des Skripal.
L'homme de 45 ans et la femme de 44 ans, hospitalisés dans un état critique, ont été exposés au poison «après avoir manipulé un objet contaminé», a expliqué la police londonienne, sans pouvoir dire à ce stade s'il provient du même lot que celui qui avait empoisonné l'ex-espion Sergueï Skripal et sa fille Ioulia le 4 mars.
«Cela pourrait être une seringue, un petit contenant chirurgical (...) qui peut facilement passer inaperçu», a estimé Hamish de Bretton-Gordon, un expert en armes chimiques interrogé par l'AFP.
Selon un scientifique travaillant pour le gouvernement britannique interrogé par la BBC, «le Novitchok est si toxique qu'il peut passer à travers la peau et n'a pas besoin d'être ingéré (pour faire effet)».
Les enquêteurs mènent des «recherches systématiques et méticuleuses dans plusieurs endroits», pour dénicher cet objet, a précisé la police. Six lieux fréquentés par le couple en fin de semaine dernière ont été fermés au public. Le foyer pour personnes sans abri où réside la femme empoisonnée, identifiée par un ami comme étant Dawn Sturgess, a été évacué jeudi.
Anne Zhang, une mère de famille de 37 ans, se faisait du souci pour ses deux enfants, dont la plus petite s'est rendue récemment dans un parc de Salibury fréquenté vendredi par les malades et désormais entouré d'un cordon policier.
«Le parc est maintenant fermé, donc je m'inquiète oui, j'ai peur qu'elle ait touché quelque chose», a-t-elle à l'AFP. «Maintenant, mes enfants ne vont plus de ce côté-là de la ville, ils vont à l'école, ils rentrent à la maison et c'est tout».
En attendant de savoir où et comment le couple a été contaminé, les autorités ont enjoint le public de ne pas ramasser d'objets inconnus.
Le risque pour la population reste «faible», selon l'agence de santé publique Public Health England (PHE). Mais elle a néanmoins conseillé «par précaution» aux personnes s'étant rendues aux mêmes endroits que les victimes de laver leurs vêtements et nettoyer le reste de leurs effets personnels.
Tensions diplomatiques ravivées
De nouveaux empoisonnements restent une «possibilité», a déclaré Helen Pickup, une mère de famille de 49 ans, interrogée vendredi par l'AFP. «Mais vous ne pouvez pas demander aux gens de rester chez eux. La vie doit continuer normalement».
Ce nouvel empoisonnement ravive les tensions entre Londres et Moscou, accusée par le Royaume-Uni d'être derrière l'attaque de Sergueï Skripal et de sa fille.
«Il est totalement inacceptable que nos citoyens soient des cibles délibérées ou accidentelles ou qu'on déverse du poison dans nos rues, nos parcs, nos villes», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Sajid Javid au Parlement, appelant l'état russe à «s'expliquer».
«Utiliser un agent neurotoxique persistant dans une zone civile est extraordinaire, c'est un crime de guerre, c'est un acte de terreur absolument odieux conduit par un Etat qui prétend être un Etat normal», a fustigé au micro de la BBC le député conservateur Tom Tugendhat, président du Comité des affaires étrangères de la Chambre des Communes.
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a dénoncé jeudi les «sales jeux politiques commencés par certaines forces à Londres». «Le gouvernement de Theresa May et ses représentants auront à s'excuser», a-t-elle prévenu.
L'ambassade russe à Londres a qualifié de «déconcertante» l'attitude britannique. «La Russie a proposé une enquête conjointe sur Salisbury dès le début, la proposition reste valable. Au lieu de coopérer, Londres préfère créer de la confusion et intimider ses propres citoyens», a tweeté l'ambassade.
Londres pourrait chercher le soutien de ses alliés face à Moscou, alors qu'une visite du président Donald Trump est prévue dans une semaine au Royaume-Uni et qu'un sommet de l'Otan sera organisé les 11 et 12 juillet.