«Un gouvernement mafieux» : les sikhs afghans, amers, exigent une enquête lundi 2 juillet au lendemain d'un attentat-suicide qui a tué dix membre de cette petite communauté dont un candidat aux législatives, sur un marché de Jalalabad, dans l'est.
«Mort au gouvernement, Mort (au président) Ashraf Ghani», hurlent les hommes au passage des cercueils sortis de l'hôpital et acheminés à bras d'hommes en cortège jusqu'au temple sikh de la ville, où sont rassemblées quelque 200 personnes, hindous, sikhs et musulmans confondus, tous bouleversés. Le kamikaze a fait 21 morts au total, dont dix-sept sikhs et hindous selon les autorités locales. Parmi elles Atvar Singh, candidat pour représenter la minorité sikhe au Parlement aux élections d'octobre et Rawal Singh, figure éminente et active de la communauté. L'attaque a été revendiquée par Daesh, dont les bases en Afghanistan sont situées dans plusieurs districts de la province du Nangarhar, autour de Jalalabad.
«Un gouvernement faible»
«Nous exigeons une enquête du gouvernement sur cet attentat, faute de quoi nous irons manifester devant l'ambassade américaine et d'autres, à Kaboul», prévient le fils du candidat, Narendar Singh. «C'est un gouvernement faible qui n'arrive à protéger personne», accuse le jeune homme.
Il explique à l'AFP qu'un rendez-vous de son père avec le président Ghani, prévu le matin, a été annulé à la dernière minute : «Ils nous ont demandé de revenir l'après-midi vers 15h30. Une vingtaine d'anciens des communautés sikhe et hindoue voulaient rencontrer le président», énonce-t-il. «Nous les avons conduits dans trois voitures mais arrivés à proximité des bâtiments du gouverneur (provincial), les forces de sécurité nous ont arrêtés et priés de sortir des voitures : c'est là que le kamikaze à pied s'est approché et s'est fait sauter au milieu de nous», raconte Narendar Singh.
«Nous étions visés, le gouvernement ne s'occupe pas de nous. La communauté était importante autrefois mais la plupart ont fui. L'attaque a tué beaucoup de nos anciens, ceux qui aimaient ce pays plus que tout», conclut-il.
Tous frères
Selon la représentation indienne en Afghanistan, les sikhs et les hindous ne seraient plus qu'un millier environ aujourd'hui, à Kaboul, Ghazni (sud-est) et Jalalabad principalement, contre 50.000 estimés avant le début de la guerre contre l'URSS en 1979. L'exode a commencé, massivement, avec l'invasion soviétique puis s'est poursuivie au fil des conflits successifs qui secouent le pays depuis bientôt quarante ans. Le sikhisme est une religion monothéiste apparue au XVIe siècle dans le nord-ouest de l'Inde avec la volonté de dépasser les clivages entre les deux religions majoritaires dans le pays, l'hindouisme et l'islam.
«Musulmans, hindous, sikhs nous sommes tous frères. Malheureusement, avec ce gouvernement personne n'est en sécurité» dénonce Jagandar Singh, un commerçant dont le frère a péri dans l'attaque. «Nous ne pouvons plus pratiquer en paix. Si le gouvernement ne nous apporte pas de réponse, nous allons descendre dans les rues de Kaboul. C'est un gouvernement faible, cerné par les mafieux. Nous avons perdu tout espoir en lui».
Les conclusions des enquêtes annoncées après les attentats, même les plus choquants, qui frappent régulièrement les civils, sont rarement rendues publiques. Ce silence entretient la défiance et la suspicion au sein de la population. «J'ai perdu l'un de mes amis les plus chers, mon coeur est en peine» indique Garmak Singh, légèrement blessé. «Mort à ce gouvernement corrompu, mort à Ashraf Ghani. Nous n'avons pas la moindre protection dans nos rues et aujourd'hui, nous enterrons nos êtres chers» se plaint-il.