La Cour suprême des Etats-Unis a offert mardi une importante victoire aux opposants à l'avortement, en donnant tort à la Californie qui impose à des centres anti-IVG d'informer les femmes enceintes de leur droit à se faire avorter ailleurs.
Une telle loi viole la Constitution, ont jugé les cinq juges conservateurs de la haute cour, dans une décision très attendue. Les quatre magistrats progressistes minoritaires ont eux exprimé séparément leur désaccord.
Ce dossier concerne les «centres de crise de la grossesse», gérés par des groupes chrétiens et conservateurs. Il en existe plusieurs centaines en Californie.
Sous le prétexte d'assister et de conseiller des femmes qui ne souhaitaient pas tomber enceintes, ces lieux, où on peut trouver du personnel en blouse blanche ou du matériel d'échographie obstétricale, tentent en fait de les convaincre à tout prix de ne pas avorter.
Parfois qualifiés de «fausses cliniques», ces centres sont notamment accusés de faire croire aux femmes qu'elles pourront bénéficier de diverses options médicales, y compris d'une IVG.
La Californie a imposé à ces organismes privés d'informer les femmes qu'elles pouvaient bénéficier d'une IVG ou d'une contraception gratuites ou à bas prix dans d'autres centres, subventionnés par l'Etat.
Victoire des «Pro-Life»
La loi californienne oblige aussi ces lieux d'accueil à informer clairement leur clientèle s'ils sont habilités à l'exercice de la médecine et s'ils disposent de praticiens sur place.
De telles exigences «transforment purement et simplement» le message que souhaitent transmettre les centres de crise de la grossesse, a dénoncé dans l'arrêt le juge ultra conservateur Clarence Thomas, nommé à la Cour suprême par le président George Bush père.
Dans une opinion de désaccord, écrite au nom du camp progressiste de la cour, le magistrat Stephen Breyer établit une comparaison avec d'autres Etats qui imposent des restrictions au droit à l'avortement.
«Si un Etat peut légalement obliger un médecin à dire à une femme qui cherche à avorter qu'il existe des services d'adoption, pourquoi ne serait-il pas possible, comme en l'espèce, d'exiger d'un conseiller médical qu'il informe une femme sur l'existence de soins prénatals ou de possibilités d'avortement ?», a interrogé le juge Breyer.
Les militants «Pro-Life», c'est-à-dire opposés au droit à l'interruption volontaire de grossesse, avaient porté plainte contre la loi californienne de 2015, d'inspiration démocrate, assurant qu'elle violait leur liberté de conscience protégée par le premier amendement de la Constitution.
Mardi, ils ont célébré leur victoire. «La Californie ne peut plus forcer les centres de crise de la grossesse à émettre un message qui va directement à l'encontre de leurs croyances religieuses et de leur mission consistant à sauver des vies», s'est félicité Mat Staver, président de l'organisation conservatrice Liberty Counsel.
A l'opposé, les défenseurs du droit à l'avortement redoutaient que la décision de la Cour suprême encourage les organisations «Pro-Life» à recourir à des informations médicales erronées et à des tactiques trompeuses pour faire progresser leur cause.
Offensive anti-avortement
NARAL, organisation qui lutte contre les restrictions au droit à l'avortement, a regretté que la décision ait été adoptée de justesse grâce au juge conservateur Neil Gorsuch, nommé par Donald Trump, après que le Sénat, à majorité républicaine, eut refusé durant près d'un an de confirmer un candidat nommé par l'ex-président démocrate Barack Obama.
«Les dégâts causés par le gouvernement Trump à notre justice et à nos droits vont durer des générations», a déploré NARAL, en appelant à continuer le combat pour sauvegarder Roe v. Wade, l'arrêt qui a légalisé l'avortement en 1973 dans tous les Etats-Unis.
La décision mardi de la Cour suprême est appelée à avoir des répercussions au-delà des frontières de la Californie, tandis que le pays connaît une poussée anti-avortement depuis que Donald Trump est à la Maison Blanche.