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Arabie saoudite : depuis minuit, les femmes ont le droit de conduire

L'interdiction aux femmes de conduire, qui était en vigueur depuis plusieurs décennies en Arabie saoudite a été levée ce dimanche. Aussitôt, des conductrices ont commencé à circuler dans les rues de Ryad, la capitale.

Aussitôt après l'expiration de l'interdiction, des femmes ont commencé dans la nuit à sillonner au volant les avenues brillamment éclairées de la capitale Ryad et d'autres villes du royaume. Certaines avaient mis à fond la stéréo de leur véhicule.

«C'est un événement historique pour chaque femme saoudienne», a déclaré Sabika al-Dosari, une présentatrice de la télévision saoudienne, avant de traverser la frontière avec le Bahrein à bord d'une berline.

«C'est une grande réussite», a dit un prince saoudien, le milliardaire Al-Walid ben Talal, dans une vidéo où l'on voit sa fille Reem en train de conduire un 4x4 tandis que ses petites-filles applaudissent sur la banquette arrière. «Maintenant les femmes ont leur liberté», a déclaré le prince dans cette vidéo diffusée sur Twitter.

Annoncé en septembre 2017, ce changement historique inspiré par le prince héritier Mohammed ben Salmane fait partie d'un vaste plan de modernisation du riche pays pétrolier. L'interdiction de conduire était devenue le symbole du statut inférieur des Saoudiennes, décrié à travers le monde.

On s'attendait à ce que des milliers de conductrices prennent le volant dès dimanche, une journée attendue depuis longtemps par les Saoudiennes et qui, pour beaucoup, pourrait faire entrer dans une nouvelle ère la société de ce royaume régi par une version rigoriste de l'islam.

«Une étape essentielle»

«C'est un pas important et une étape essentielle pour la mobilité des femmes», a commenté Hana al-Khamri, auteure d'un livre à paraître sur les femmes dans le journalisme en Arabie saoudite.

«Les femmes en Arabie saoudite vivent dans un système patriarcal. Leur donner le volant aidera à défier les normes sociales et de genre qui entravent la mobilité, l'autonomie et l'indépendance», estime-t-elle.

Une Saoudienne filme et apporte son soutien à Samar Al-Moqren (G) au volant de sa voiture à Ryad le 24 juin 2018, jour de la levée de l'interdiction aux femmes de conduire  [FAYEZ NURELDINE / AFP]
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Une Saoudienne filme et apporte son soutien à Samar Al-Moqren (G) au volant de sa voiture à Ryad le 24 juin 2018, jour de la levée de l'interdiction aux femmes de conduire

Pour beaucoup de femmes, saoudiennes ou expatriées, cette mesure permettra de réduire leur dépendance à l'égard des chauffeurs privés ou des hommes de leurs famille, entraînant du même coup des économies financières.

«C'est un soulagement», a déclaré à l'AFP Najah al-Otaibi, analyste au centre de réflexion pro-saoudien Arabia Foundation. «Les Saoudiennes éprouvent un sentiment de justice. Pendant longtemps, elles se sont vu refuser un droit fondamental qui les a maintenues confinées et dépendantes des hommes, rendant impossible l'exercice d'une vie normale», explique-t-elle.

Impact économique 

En juin, le royaume a délivré les premiers permis de conduire à des femmes. Certaines ont échangé leur permis étranger contre un permis saoudien après avoir passé un test.

Des Saoudiennes participent à un atelier de conduite à Ryad, le 21 juin 2018 [FAYEZ NURELDINE / AFP]
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Des Saoudiennes participent à un atelier de conduite à Ryad, le 21 juin 2018

Quelque trois millions de femmes pourraient se voir attribuer un permis et commencer à conduire d'ici 2020, selon le cabinet de consultants PricewaterhouseCoopers.

Des auto-écoles pour femmes ont vu le jour dans des villes comme Ryad et Djeddah. Certains Saoudiennes apprennent même à dompter des motos Harley Davidson, dans des scènes inimaginables il y a encore un an.

Une palestinienne vivant à Ryad s'entraîne sur un simulateur de conduite le 24 juin 2018, jour de la levée de l'interdiction de conduire des femmes [FAYEZ NURELDINE / AFP]
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Une palestinienne vivant à Ryad s'entraîne sur un simulateur de conduite le 24 juin 2018, jour de la levée de l'interdiction de conduire des femmes

Beaucoup de Saoudiennes ont partagé sur les réseaux sociaux leurs projets pour dimanche, annonçant qu'elles accompagneraient leur mère boire un café ou manger une glace, une expérience à priori banale ailleurs dans le monde mais qui paraît exceptionnelle pour le pays.

Pendant des décennies, les conservateurs se sont servis d'interprétations rigoristes de l'islam pour justifier l'interdiction de conduire, certains allant même jusqu'à dire que les femmes ne sont pas assez intelligentes pour être au volant.

Sur le plan économique, les retombées peuvent être bénéfiques, selon des experts. La levée de l'interdiction devrait stimuler l'emploi des femmes, et, selon une estimation de Bloomberg, ajouter 90 milliards de dollars à l'économie d'ici à 2030.

Toujours de strictes restrictions 

Mais nombre de femmes craignent de rester la cible des conservateurs dans un pays où les hommes gardent le statut de «tuteurs» et décident à leur place. En effet, les Saoudiennes doivent sortir voilées et restent soumises à de strictes restrictions : elles ne peuvent ni voyager, ni étudier, ni travailler sans l'autorisation de leur mari ou d'un homme de leur famille, ni manger seules dans un restaurant.

Le gouvernement a récemment pris des mesures contre les abus masculins en punissant le harcèlement sexuel de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 300.000 rials (69.000 euros).

Répression 

Sous l'impulsion du prince Mohammed, devenu héritier du trône il y a un an, le pays a aussi autorisé l'ouverture des salles de cinéma et les concerts mixtes, signe de son intention de revenir à un «islam modéré». Mais l'enthousiasme créé par l'annonce des réformes semble entaché par une répression contre les militantes qui se sont entre autres longtemps opposées à l'interdiction de conduire.

Selon les autorités, sur dix-sept personnes dernièrement arrêtées, neuf sont toujours en prison. Elles sont accusées d'avoir porté atteinte à la sécurité du royaume et d'avoir aidé les «ennemis» de l'Etat saoudien.

Des journaux progouvernementaux ont publié à la Une des photos de certaines de ces personnes, accompagnées du mot «Traîtres».

Human Rights Watch (HRW) a indiqué cette semaine que deux autres militantes, Nouf Abdelaziz et Maya al-Zahrani, avaient été arrêtées, dénonçant «une vague incessante de répression».

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