Le gouvernement britannique de Theresa May a étouffé de justesse une fronde de députés europhiles de son propre camp conservateur mercredi à la chambre des Communes, obtenant le soutien de 319 élus après un compromis de dernière minute sur le rôle du Parlement dans le processus du Brexit.
Les députés ont rejeté par 319 voix un amendement au projet de loi de sortie de l'UE présenté par les conservateurs europhiles rebelles qui prévoyait un pouvoir d'intervention renforcé pour le Parlement en cas d'absence d'accord avec Bruxelles avant le Brexit, en mars 2019. Ils sont 303 à avoir voté pour.
La Première ministre Theresa May, qui peine à asseoir son autorité sur un gouvernement profondément divisé sur la question du Brexit, peut pousser un ouf de soulagement: elle a réussi à faire rentrer dans les rangs les députés conservateurs europhiles qui réclamaient que le dernier mot sur l'accord final du Brexit - s'il y en a un - revienne au Parlement.
Menacé par un vote défavorable, le gouvernement a mis de l'eau dans son vin juste avant le vote, s'engageant à accorder au Parlement un possible droit de regard sur l'accord avec Bruxelles devant sceller la sortie de l'UE.
Alors qu'il se bornait jusqu'ici à offrir aux parlementaires un vote consultatif sur l'éventuel accord final, sans possibilité de s'opposer au résultat des négociations, la nouvelle proposition accorde au président du Parlement le pouvoir de décider si les députés peuvent proposer des amendements.
Une «reconnaissance»
Cette proposition du gouvernement, qui ne dispose que d'une mince majorité d'une dizaine de sièges, a été adoptée par acclamation. Elle lui a permis de rallier les députés tories rebelles, dont Nicky Morgan et Dominic Grieve. «C'est une reconnaissance évidente de la souveraineté de cet endroit» (le parlement), a dit ce dernier durant les débats en apportant son soutien à l'exécutif.
Theresa May doit constamment jouer les équilibristes pour satisfaire les exigences des deux ailes de son parti, entre europhiles voulant maintenir des liens étroits avec l'Union européenne après la sortie du club, et europhobes qui veulent rompre les amarres de manière nette.
Elle avait fermement marqué son opposition à l'amendement rebelle. «Nous ne pouvons pas accepter un amendement (...) qui permettrait au Parlement de dicter l'approche du gouvernement sur la sortie de l'UE», avait rétorqué le porte-parole de Mme May.
«Nous ne pouvons pas laisser les députés qui ont voté pour rester dans l'UE réduire au silence la volonté de la majorité. Il est de notre devoir de mettre en oeuvre le Brexit», voté par 52% des Britanniques lors du référendum de juin 2016, a tweeté la députée conservatrice Andrea Jenkyns, se faisant l'écho des pro-Brexit accusant les europhiles de vouloir l'annuler ou le diluer.
La confusion qui règne à Londres inquiète de plus en plus à Bruxelles, rendant plus qu'incertaine la conclusion d'un accord en octobre comme initialement prévu. Le sommet européen qui se réunira en fin de semaine prochaine devrait constater le peu de progrès effectués dans les négociations, Mme May ayant elle-même admis que le Brexit ne sera pas la préoccupation principale de ses partenaires, plus focalisés sur l'immigration.
La question irlandaise en particulier - le Brexit menaçant de recréer une frontière entre le Nord rattaché au Royaume-Uni et le Sud membre de l'UE - est loin d'être réglée, car «de sérieuses divergences subsistent», a tweeté mardi Michel Barnier, négociateur en chef de l'UE pour le Brexit.