Donald Trump revendique sa fermeté extrême aux frontières malgré le tollé provoqué par la séparation de plus de 2.300 mineurs arrachés à leurs parents sans papiers, en affirmant qu'il ne laisserait pas les Etats-Unis devenir «un camp pour migrants».
Le bras de fer entre républicains et démocrates semble désormais clairement destiné à pousser une réforme de l'immigration qui patine depuis des mois au Congrès, où les républicains sont majoritaires. Le président pourrait d'ailleurs se rendre au Capitole pour en discuter mardi, selon le Wall Street Journal.
Le président a de nouveau rejeté la responsabilité de cette situation sur la minorité démocrate.
«Ce qui arrive est tellement triste. Et cela pourrait être réglé rapidement, magnifiquement, et nous serions en sécurité». «Les Etats-Unis ne deviendront pas un camp pour migrants et ne deviendront pas un centre de rétention pour réfugiés», a promis Donald Trump.
Pour illustrer son propos, il a agité le spectre de la crise migratoire en Europe, n'hésitant pas à prendre parti contre la chancelière allemande Angela Merkel dans la crise politique qui menace sa coalition.
Cris et pleurs
Depuis l'annonce de la politique américaine de «tolérance zéro» début mai, 2.342 enfants et jeunes migrants ont été séparés de leurs familles (du 5 mai au 9 juin), selon les nouveaux chiffres officiels.
Supermarché reconverti, vastes bâtiments, ces adolescents et jeunes enfants sont parfois logés dans des espaces grillagés, près de la frontière avec le Mexique.
«Je ne veux pas qu'ils arrêtent mon père, je ne veux pas qu'ils l'expulsent», dit une voix féminine déchirée tandis que des pleurs et cris d'enfants résonnent derrière, sur un enregistrement, qui daterait de la semaine dernière dans l'un de ces centres, diffusé lundi par le site d'investigation ProPublica.
La jeune fille n'a pas été identifiée.
«J'ai vu des tonnes d'enfants massés ensemble dans de grands enclos grillagés», a témoigné un sénateur démocrate, Chris Van Hollen, après avoir visité un centre dimanche au Texas.
D'autres élus ont visité lundi des établissements en Californie, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, dénonçant ensuite «une politique inhumaine et barbare».
«Inadmissible», s'est indigné l'ONU. «Ce n'est rien de moins que de la torture», a renchéri Erika Guevara-Rosas de l'ONG Amnesty International, justifiant ses mots en soulignant «la sévère souffrance mentale infligée intentionnellement sur ces familles» pour «en décourager d'autres d'essayer d'entrer aux Etats-Unis».
Rarissime intervention dans un sujet politique brûlant, la Première dame Melania Trump a dit dimanche «détester voir des enfants séparés de leur famille». L'ex-Première dame Laura Bush a elle aussi rompu sa traditionnelle discrétion avec des mots forts, en dénonçant une politique «cruelle». Des mots retweetés pas une autre ancienne occupante de la Maison Blanche, Michelle Obama.
«Bien traités»
Les enfants «sont bien traités» et les rumeurs de mauvais traitements «sont fausses», a répondu la ministre de la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen, lundi.
Les familles se présentant au poste-frontière pour demander l'asile ne sont pas séparées et la vaste majorité des mineurs migrants hébergés aux Etats-Unis --10.000 sur 12.000-- n'ont pas été séparés de leurs familles, ils sont arrivés seuls à la frontière, a-t-elle expliqué.
Pour l'administration Trump, l'équation est simple : plus question de relâcher des sans-papiers parce qu'ils ont été interpellés en compagnie de mineurs qui ne peuvent être détenus avec eux, dans l'attente de leur hypothétique retour devant le juge, comme c'était la pratique sous le démocrate Barack Obama.
Tous les clandestins surpris du côté américain de la frontière sont donc désormais poursuivis et écroués... et leurs enfants doivent être hébergés de leur côté.
Mais plusieurs hauts responsables de la Maison Blanche affichent aussi clairement l'argument de la dissuasion des candidats à l'immigration illégale.
«Nous ne pouvons pas et n'allons pas encourager les gens à amener des enfants en leur donnant une vaste immunité face à nos lois», a encore déclaré lundi le ministre de la Justice Jeff Sessions.
Deux tiers des Américains rejettent cette politique, mais une majorité de républicains y sont favorables, selon deux sondages, Quinnipiac et CNN, publiés lundi.
«Si nous construisons le mur, si nous passons une loi pour mettre un terme au non-droit, nous n'aurons plus à faire face à ces choix terribles», a argumenté Jeff Sessions.
Mais l'idée que la Maison Blanche utilise ces enfants pour faire avancer le débat sur l'immigration indigne jusque dans les rangs républicains.
«Certains dans l'administration ont décidé que cette politique cruelle renforçait leur pouvoir d'influence» au Congrès, a souligné sur Facebook un sénateur républicain, Ben Sasse. «C'est inacceptable. Les Américains ne prennent pas les enfants en otage. Point».