L'administration Trump a révélé pour la première fois vendredi l'impact de sa nouvelle politique de tolérance zéro à la frontière avec le Mexique, où 2.000 enfants ont été séparés depuis mi-avril de leurs parents arrêtés pour être entrés illégalement aux Etats-Unis.
«Cette administration a dit clairement que nous n'allions plus ignorer la loi», a justifié un responsable du ministère de la Sécurité intérieure en présentant ces chiffres alors que le scandale enfle aux Etats-Unis, provoquant le malaise jusque dans les rangs républicains et l'indignation des démocrates et de puissants dirigeants religieux.
«C'est une politique immorale, atroce», a tonné vendredi sur Twitter l'influente sénatrice démocrate Dianne Feinstein.
Entre le 19 avril et le 31 mai, 1.995 mineurs ont été séparés de 1.940 adultes interpellés et détenus par la police des frontières dans l'attente de poursuites, ont expliqué les ministères de la Sécurité intérieure et de la Justice lors d'une conférence téléphonique.
«Nous affichons parmi les plus hautes normes de détention du monde pour les enfants», ont-ils affirmé, pour défendre les conditions d'accueil des mineurs.
Fuyant en majorité l'Amérique centrale et sa violence endémique, des familles de migrants sont séparées depuis au moins octobre 2017 aux Etats-Unis. Nombre d'entre elles étaient venues demander l'asile, d'après l'opposition démocrate qui dénonce depuis des jours le manque de transparence sur cette question.
Mais le rythme s'est nettement accéléré depuis début mai, lorsque le ministre américain de la Justice, Jeff Sessions, a dit que tous les migrants passant illégalement la frontière seraient arrêtés, accompagnés de mineurs ou pas. Or les enfants ne peuvent être envoyés dans la prison où sont détenus leurs proches, martèle-t-il, ce qui conduit aux séparations.
- Tentes pour enfants -
Le réseau existant d'une centaine de centres de rétention pour mineurs, qu'ils aient tenté de franchir seuls la frontière ou aient été séparés de leurs parents, commence à être débordé.
Beaucoup s'inquiètent de voir ces enfants traumatisés hébergés dans des centres sans un accompagnement pédiatrique adapté.
Mais face aux rumeurs «particulièrement indignes» de séparation en douce, sans avertir les parents, ou de mères arrachées à leur bébé pendant qu'elles les allaitaient, les responsables du gouvernement se sont montrés catégoriques: elles «sont complètement fausses».
Quelque 1.500 garçons d'entre 10 et 17 ans sont déjà logés dans un ancien supermarché au Texas. Et dans la chaleur étouffante à la frontière mexicaine, les autorités montent des tentes climatisées pour faire face à l'affluence de mineurs.
Un «centre temporaire de rétention» avait été érigé en 2016 au même endroit, près d'un poste-frontière à une cinquantaine de kilomètres de la ville d'El Paso, sous la présidence du démocrate Barack Obama. Il servait à loger des familles de migrants mais sans les séparer.
- Malaise -
Cette fois, la Maison Blanche revendique ouvertement sa politique, admettant sans détour vouloir ainsi décourager les clandestins. Sous Barack Obama, accusent-ils, les mineurs seuls ou les familles étaient relâchés dans l'attente de leur comparution devant un juge, ce qui aurait créé un effet d'appel.
Loin de rougir face au tollé, le président américain s'en sert pour réclamer une vaste réforme sur l'immigration qui patine depuis des mois au Congrès, en mettant la pression sur l'opposition.
«Les démocrates forcent la séparation des familles à la frontière avec leur agenda législatif horrible et cruel», a-t-il encore lancé vendredi dans un tweet.
Divisés dans leur majorité, les républicains semblent finalement prêts à présenter la semaine prochaine deux propositions de loi: l'une satisfaisant leur aile dure et l'autre, encore en élaboration, tentant de réconcilier modérés et conservateurs mais incluant les demandes de Donald Trump, notamment une enveloppe de 25 milliards de dollars pour construire un mur à la frontière.
Ce texte comprendra un amendement s'assurant «que les mineurs accompagnés appréhendés à la frontière ne soient pas séparés de leurs parents», selon une source républicaine.
En attendant, les élus républicains ne cachent pas leur malaise dans les couloirs du Capitole. Et plusieurs responsables religieux ont dénoncé publiquement cette politique, dont l'influent prédicateur évangéliste Franklin Graham, lien privilégié vers un électorat crucial pour Donald Trump.
Mais avec ses déclarations vendredi, «l'administration ne montre aucun signe de vouloir se rétracter», analyse Tom Jawetz, responsable des questions d'immigration pour le groupe de réflexion Center for American Progress, marqué à gauche.