La Corée du Nord est ostracisée depuis des décennies. Mais son dirigeant Kim Jong-un sera sous les projecteurs de la scène diplomatique mondiale mardi lors de sa rencontre avec le président américain Donald Trump.
Son père et son grand-père limitaient leurs déplacements au bloc communiste et aux pays non alignés. La peur de prendre l'avion de son père Kim Jong-il était de notoriété publique.
L'héritier de la dynastie régnante à Pyongyang, qui aurait autour de 35 ans, a plusieurs fois manifesté sa détermination à faire date sans jamais sortir de chez lui. Sous son règne, les capacités nucléaires nord-coréennes ont atteint des sommets, à l'unisson des tensions.
Jusqu'à cette année, l'Américain le plus en vue qu'il ait rencontré était Dennis Rodman, ex-star des Chicago Bulls avec lequel il a noué une amitié improbable.
Mais spectaculaire retournement de situation, Singapour accueille le premier tête à tête entre un dirigeant nord-coréen et un président américain en exercice, point d'orgue d'une succession de sommets organisés en un temps record.
L'année dernière, M. Kim avait qualifié M. Trump de «gâteux américain malade mental». Aujourd'hui, il semble avoir changé son fusil d'épaule, usant de charme et de politesse lors de ses quatre rencontres avec le numéro un chinois Xi Jinping et le président sud-coréen Moon Jae-in.
M. Kim a hérité fin 2011 des rênes de la République populaire démocratique de Corée, nom officiel du Nord, alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années.
A l'époque, il était considéré comme inexpérimenté, vulnérable, susceptible d'être manipulé par des hiérarques plus gradés que lui au sein du régime opaque.
Brutalité
Mais il a assis son autorité à la fois sur le Parti des travailleurs, la formation unique au pouvoir et l'armée, n'hésitant pas à écraser voix dissonantes et rivaux potentiels.
Sa victime la plus galonnée fut en 2013 son oncle, l'influent Jang Song Thaek, exécuté pour trahison. Plusieurs hauts responsables furent ensuite victimes de purges.
L'année dernière, son demi-frère Kim Jong Nam a été assassiné à l'aéroport de Kuala Lumpur selon un scénario aux relents de Guerre froide. Les analystes ne doutent pas que Pyongyang était à la manoeuvre.
En revanche, sa soeur Kim Yo Jong est sortie du rang pour jouer le rôle de très proche conseillère, constamment au côté de son frère lors de ses voyages diplomatiques. Elle fut son émissaire lors des jeux Olympiques d'hiver organisés au Sud.
Les défenseurs des droits de l'Homme disent que les violations sont généralisées en Corée du Nord, où entre 80.000 et 120.000 détenus croupissent dans des camps.
Mais le numéro un a également tenu à se présenter sous une lumière plus amène, du moins dans la propagande officielle.
A la différence de son père, qui s'exprimait et souriait rarement en public, des images savamment chorégraphiées montrent un personnage plus accessible. Lors de visites «de terrain» ou de discours devant des salles combles, on voit le dirigeant à la silhouette corpulente plaisanter avec des militaires, des cadres du régime ou de simples habitants.
Coiffure, vêtements, manière de parler, tout semble fait pour rappeler le fondateur du Nord, son grand-père Kim Il Sung.
Luxe
Le Nord est très protecteur s'agissant de l'image de la famille régnante. Les portraits du père et du grand-père de M. Kim sont partout. Leurs dépouilles reposent au mausolée Kumsusan de Pyongyang.
Kim Il Sung reste dans le discours officiel le Président éternel de la Corée du Nord malgré son décès en 1994. Le principal titre de son petit-fils est celui de président de la Commission des Affaires d'Etat.
A la différence de son aïeul, dont la jeunesse fut dominée par le combat contre les Japonais, Kim Jong-un a vécu dans l'opulence.
La première partie de sa vie reste largement une énigme. Sa date de naissance précise, au début des années 1980, n'a jamais été révélée. Sa mère, une danseuse coréenne née au Japon, la troisième épouse de son père, serait décédée en 2004 d'un cancer du sein.
Son mariage n'a été révélé qu'en juillet 2012 avec la publication de photographies de Ri Sol-Ju. La presse sud-coréenne a rapporté que le couple avait eu un troisième enfant début 2017.
Il a effectué une partie de sa scolarité en Suisse, où sa tante maternelle Ko Yong-Suk et son mari s'occupaient de lui.
Les personnels scolaires et ses amis, qui d'après la presse ignoraient qu'il appartenait à la famille régnante du Nord, se rappellent d'un garçon timide qui aimait le ski et les films d'action de Jean-Claude Van Damme.
Mais il est réputé avoir su qu'il était promis à diriger son pays dès huit ans, quand il reçut un uniforme de général.