Pour la Russie, la Coupe du monde de football, qui sera lancée dans une semaine, représente à la fois un défi sécuritaire complexe et une opportunité médiatique majeure.
Le moindre incident entachant la manifestation aurait en effet des conséquences désastreuses pour l’image du pays, tandis qu’une compétition réussie améliorerait durablement sa réputation. Face à ce quitte ou double, les autorités n’ont rien laissé au hasard. Les menaces terroriste et hooligan, notamment, ont été prises très au sérieux.
Une surveillance permanente
Un an après l’attentat qui avait fait 14 morts dans le métro de Saint-Pétersbourg en avril 2017, le risque jihadiste reste la principale source d’inquiétude des autorités. Dans un contexte de recrudescence de la menace tchétchène, les services de renseignements ont donc œuvré à démanteler les réseaux les plus actifs, multipliant les arrestations préventives.
Les stades eux-mêmes font l’objet de mesures drastiques : périmètres sécurisés jusqu’à un kilomètre des enceintes, zones d’exclusion aérienne, brouillage électronique anti-drones... Pour éviter les foules, aucune diffusion sur grand écran ni fan-zone n’est prévue. Enfin, la police et l’armée seront massivement déployées dans les villes accueillant des matchs.
Outre la menace terroriste, elles devront faire face au hooliganisme. Les violences déclenchées par des supporters russes à Marseille, pendant l'Euro 2016, ont en effet marqué les esprits. Mais de tels débordements ne devraient pas se reproduire à domicile, selon l’expert en géopolitique Jean-Baptiste Guégan, auteur de «Football Investigation, les dessous du football en Russie» (Bréal). «En 2016, Moscou avait tout intérêt à créer du doute sur la sécurité en France, à l’approche de l’élection présidentielle, ce qui favorise toujours les extrêmes. Aujourd’hui, son intérêt est inverse, et la question a été maitrisée», explique-t-il.
Concrètement, les renseignements ont cartographié les réseaux hooligans et mené des campagnes de dissuasion auprès des intéressés, tout en leur réservant des espaces en périphérie des villes. «Il y aura peut-être des violences, mais loin des caméras», résume le spécialiste. Enfin, des campagnes ont été menées contre les incidents racistes, récurrents dans le monde sportif russe.
Opération séduction
Ces mesures sont prises d’autant plus au sérieux que l’image du pays en dépend. Dans un contexte diplomatique tendu, entre guerre en Ukraine, guerre en Syrie et affaire Skripal, le mondial est une nouvelle aubaine pour le président Vladimir Poutine, quatre ans après les JO de Sotchi. «Il va pouvoir s’affirmer comme un grand leader du monde actuel, mais aussi se constituer une image plus bienveillante, charismatique sans être autoritaire», explique Jean-Baptiste Guégan.
Un relooking qui vise également à donner une image moins hostile de la Russie vis-à-vis des étrangers, en montrant des touristes. Actuellement, ces derniers restent en effet très peu nombreux en dehors de Moscou et Saint-Pétersbourg. Or, confronté à des sanctions économiques sévère, le pays souhaiterait s’appuyer sur les visiteurs étrangers pour faire entrer des devises. Une stratégie dont la Coupe du monde constitue la première étape.