Le conjoint homosexuel d'un Européen bénéficie des mêmes droits qu'un hétérosexuel quand il demande un titre de séjour dans l'UE, quelle que soit sa nationalité, y compris dans un Etat membre ne reconnaissant pas le mariage entre personnes de même sexe, a décidé mardi la justice européenne.
« Bien que les États membres soient libres d'autoriser ou non le mariage homosexuel, ils ne peuvent pas entraver la liberté de séjour d'un citoyen de l'Union en refusant d'accorder à son conjoint de même sexe, ressortissant d'un pays non-UE, un droit de séjour » sur leur territoire, considère la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt.
La Cour était saisie par la justice roumaine, qui doit trancher sur la situation d'un couple homosexuel roumano-américain.
Les requérants, Adrian Coman et son époux américain Clai Hamilton, ont salué une victoire pour la « dignité humaine ».
« Notre relation de famille a enfin la même valeur où que nous vivions dans l'Union européenne », a déclaré M. Coman au cours d'une conférence de presse à Bucarest.
En 2012, les deux hommes avaient demandé à Bucarest la reconnaissance de leur mariage conclu à Bruxelles deux ans plus tôt, afin que le conjoint américain puisse s'installer avec son époux en Roumanie.
Mais les autorités roumaines n'avaient accordé à cet homme qu'un titre de séjour de trois mois, au motif qu'il ne pouvait être qualifié de « conjoint » d'un ressortissant de l'Union en Roumanie, car le mariage homosexuel n'y est pas reconnu.
La Cour rappelle dans son arrêt que la notion de « conjoint », telle qu'évoquée dans la directive européenne relative à la liberté de circulation, « est neutre du point de vue du genre et est donc susceptible d'englober le conjoint de même sexe d'un citoyen de l'Union» .
« Décision historique »
Elle estime que « l'obligation pour un État membre de reconnaître » un « mariage homosexuel conclu dans un autre État membre », dans le cadre de l'octroi d'un droit de séjour, « ne porte pas atteinte à l'institution du mariage dans ce premier État membre ».
Cela « ne méconnaît pas l'identité nationale ni ne menace l'ordre public dans l'Etat membre concerné », ajoute-t-elle.
En revanche, refuser de reconnaître un mariage entre personnes de même sexe dans ce cadre « est susceptible d'entraver » la liberté du conjoint européen « de circuler et de séjourner librement » dans l'UE.
« L'arrêt d'aujourd'hui signifie que tous les États membres de l'UE doivent traiter les couples de même sexe de la même manière que les couples de sexe différent lorsqu'ils exercent leur droit à la liberté de circulation », s'est félicitée l'Association internationale LGBTI (ILGA), saluant « une décision historique ».
« Nous pouvons maintenant regarder dans les yeux de tout agent public en Roumanie et dans toute l'UE avec la certitude que notre relation est tout aussi précieuse et pertinente aux fins de libre circulation au sein de l'UE », a encore réagi Adrian Coman.
Les deux époux doivent maintenant attendre que la Cour constitutionnelle roumaine adopte une décision allant dans le même sens que l'arrêt de la CJUE et que ce texte soit transposé dans la législation nationale.
« Nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout, quelle que soit la durée de cette démarche », a ajouté M. Coman.
Il a souligné que la vie de famille implique beaucoup plus que le simple droit dé séjour, espérant pouvoir jouir avec son époux des mêmes droits que toute autre famille.
La demande du couple roumano-américain est une première en Roumanie, où l'homosexualité n'a été dépénalisée qu'au début des années 2000.
Le pays se prépare par ailleurs à organiser un référendum qui vise à interdire les mariages homosexuels en définissant le mariage comme « l'union entre un homme et une femme » et non « entre époux » comme cela est le cas actuellement, une initiative lancée par des associations proches de la puissante Eglise orthodoxe.
Seize pays de l'UE reconnaissent le mariage homosexuel, quelques autres ont instauré une union civile. La plupart des pays d'Europe de l'Est n'autorisent toutefois ni l'un ni l'autre.