Les Européens ont lancé vendredi à l'OMC leur première riposte contre les taxes américaines sur l'acier et l'aluminium et adressé une sévère mise en garde aux Etats-Unis sur les risques pour l'économie mondiale lors d'une réunion des ministres des Finances du G7 au Canada.
Le président américain Donald Trump a en outre crispé un peu plus ses partenaires commerciaux vendredi en suggérant des accords séparés avec le Canada et le Mexique pour remplacer le traité de libre-échange nord-américain (Aléna) qui les lie pourtant les trois pays depuis 1994.
«Je n'aurais pas d'objection à voir un accord séparé avec le Canada (...) et un autre avec le Mexique», a-t-il déclaré. «Ce sont deux pays très différents», a-t-il poursuivi alors que la renégociation de cet accord s'est enlisée au terme de neuf mois de tractations.
«La réunion du G7 finances au Canada est plutôt un 'G6 + 1' avec des Etats-Unis seuls contre tous, qui font courir le risque de déstabilisation économique à la planète», a estimé le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire depuis Whistler, une chic station de ski au nord de Vancouver où se déroule la rencontre.
Il a souligné que, désormais, seuls les Etats-Unis pouvaient encore éviter une guerre commerciale qui fait craindre pour la solidité de la reprise économique mondiale.
Au cours de ce G7 qui réunit Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni, «clairement, les discussions vont être difficiles», a reconnu de son côté le ministre canadien des Finances Bill Morneau. «Nous allons exprimer dans des termes durs pourquoi nous pensons que ceux-ci (les tarifs américains) ne sont pas bons pour l'économie mondiale», a-t-il ajouté.
«Les Etats-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux», avait averti plus tôt la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, en annonçant le lancement de la plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Parallèlement, elle a fait savoir que l'UE allait porter plainte contre Pékin devant cette même OMC, pour protester contre le «transfert injuste de technologies» des entreprises européennes actives en Chine.
Les Américains se trompent de cible en s'attaquant aux Européens, leurs alliés traditionnels, alors que le principal ennemi est la Chine, a argué la Commissaire européenne. «Nous aussi nous avons souffert des surcapacités dues au dumping qui est principalement causé par la Chine», a-t-elle ajouté.
L'annonce simultanée de ces deux plaintes «démontre que l'UE ne choisit aucun camp», a-t-elle également estimé, soulignant que l'UE défendait un système multilatéral.
Bruno Le Maire a toutefois prôné la fermeté face à Washington compte-tenu «des enjeux considérables». «Les Européens n'obtiendront rien avec la faiblesse. Le président américain ne respectera jamais la faiblesse des Européens», a-t-il insisté.
«Pistolet sur la tempe»
Ottawa a d'ores et déjà annoncé des taxes sur 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 milliards de dollars américains) de produits américains et le Mexique a pour sa part promis des mesures sur divers produits dont certains aciers, des fruits et des fromages, qui «seront en vigueur tant que le gouvernement américain n'éliminera pas les taxes imposées».
Les Européens, à l'instar du Royaume-Uni, ont en outre une nouvelle fois appelé à revenir sur cette décision.
«Les Etats-Unis, l'Union européenne et le Royaume-uni sont des alliés proches et ont toujours promu les valeurs d'un commerce libre et équitable dans le monde», a réagi la Première ministre britannique Theresa May.
«Nous ne négocions pas le pistolet sur la tempe et je le redirai à Steven Mnuchin», a martelé Bruno Le Maire.
Les experts en commerce international ont néanmoins estimé que la guerre commerciale n'est pas véritablement déclarée tant que les Etats-Unis ne mettent pas à exécution leur menace de taxer les importations de voitures. Si tel était le cas, cela toucherait alors au «coeur du réacteur des échanges internationaux», moteur de la croissance mondiale, a ainsi commenté Sébastien Jean, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
Reste à savoir aussi comment évolue l'autre grand front commercial ouvert par Donald Trump, avec la Chine. Son secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, est attendu à Pékin samedi pour trois jours de nouvelles discussions entre les deux premières puissances économiques mondiales.