De nouvelles tractations sont attendues jeudi pour tenter de constituer un gouvernement italien, près de trois mois après les élections législatives du 4 mars dominées par le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite).
Luigi Di Maio, le chef de file du M5S, a proposé mercredi un compromis pour relancer l'idée d'un gouvernement d'union avec la Ligue, bloquée quelques jours plus tôt par le président italien Sergio Mattarella.
Et Carlo Cottarelli, l'ancien haut fonctionnaire du Fonds monétaire international (FMI) chargé par M. Mattarella de former un gouvernement de techniciens dans l'attente de nouvelles élections, a gelé la formation de son équipe pour laisser du temps aux tractations.
Extrême incertitude
Malgré le climat d'extrême incertitude qui a marqué toute la journée de mercredi, les marchés financiers, très fébriles ces derniers jours, ont enregistré un léger rebond.
L'idée d'un gouvernement d'union M5S-Ligue avait été abandonnée dimanche soir à la suite du veto spectaculaire du président Mattarella à la nomination de Paolo Savona, un économiste eurosceptique, à la tête du ministère de l'Economie et des Finances.
Mais M. Di Maio, le dirigeant du M5S, en a relancé l'idée mardi soir. Sa proposition a été reçue avec réticence par le chef de la Ligue, Matteo Salvini, qui a enchaîné toute la journée les meetings de campagne et les bains de foule en Toscane et en Ligurie.
«J'ai passé des semaines à Rome à essayer de faire un gouvernement. Cela a été un effort inutile, maintenant je retourne au milieu des Italiens», a déclaré M. Salvini.
Il s'est dit prêt à reconstituer un gouvernement politique - par opposition au gouvernement d'experts que M. Cottarelli est censé former - mais uniquement avec le programme commun et l'équipe retoqués dimanche par le président.
Pour M. Salvini, seule l'équipe constituée par la Ligue et le M5S sur la base de leurs succès respectifs aux législatives de mars est acceptable, avec éventuellement le soutien de Fratelli d'Italia, la petite formation d'extrême droite dirigée par Giorgia Meloni.
Dans le cas contraire, M. Salvini assure qu'il ne vendra pas sa «dignité pour dix ministères».
Avec Savona mais pas aux Finances ?
Mercredi soir, après une discrète entrevue avec M. Mattarella au palais du Quirinal, le siège de la présidence, M. Di Maio a proposé une solution de compromis.
«Trouvons une personne de la même envergure que Paolo Savona pour le ministère de l'Economie et des Finances et M. Savona peut rester dans le gouvernement mais à un autre poste», a-t-il expliqué sur Facebook.
Selon des sources de la présidence, M. Mattarella «étudie avec attention» cette proposition.
«Quand nous avons proposé le professeur Savona, c'est parce qu'il était le meilleur pour être ministre de l'Economie. Si Di Maio a changé d'avis, j'en parlerai avec lui», a réagi le chef de la Ligue.
Pendant ce temps, M. Cottarelli a multiplié les navettes et les consultations entre le Quirinal et le Parlement.
Selon des sources de la présidence, la composition du gouvernement d'experts de M. Cottarelli ne pose pas de problème, mais comme aucun des principaux partis ne prévoit pour l'instant de lui voter la confiance, lui et M. Mattarella ont décidé de laisser du temps aux tractations politiques en cours.
Léger rebond des marchés
Depuis le report sans explication de l'annonce des noms des membres du gouvernement Cottarelli qui était attendue mardi, les médias se perdent en conjectures.
Certains évoquent des démarches d'élus de tous bords en faveur d'élections anticipées dès le 29 juillet, afin de laisser le temps à la prochaine majorité de préparer et d'adopter le budget 2019. Compte tenu des délais d'organisation d'un tel scrutin, la dissolution du Parlement devrait pour cela avoir lieu au plus tard vendredi.
En pleine ascension dans les sondages, M. Salvini, qui a transformé son parti sécessionniste, anciennement Ligue du Nord, en une formation souverainiste, opposée à l'euro et à l'immigration, est déjà reparti en campagne. Il doit encore enchaîner une dizaine de meetings jeudi.
Après avoir obtenu 17% des voix aux élections de mars (contre 4% à celles de 2013) et supplanté Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, au sein de la coalition de droite, la Ligue dépasse désormais les 20% d'intentions de vote (jusqu'à 27% selon certains sondages), tandis que les autres formations stagnent ou baissent.
En dépit de ce climat de complète incertitude, les marchés financiers se sont repris mercredi après plusieurs jours d'une fébrilité qualifiée d'«émotive» par le gouverneur de la Banque d'Italie, Ignazio Visco.
La Bourse de Milan a clos en hausse de 2,09% à 2.798 points et le «spread», l'écart très surveillé entre les taux allemand et italien à dix ans qui avait franchi la barre des 300 points mardi, est redescendu à 247 points.