Un an après leur premier tête-à-tête à Versailles, les présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron se retrouvent jeudi à Saint-Pétersbourg, dans un contexte de confrontation Est-Ouest qui s'est encore dégradé, pour parler du nucléaire iranien, de la Syrie et de l'Ukraine.
Prévue sur deux jours, la première visite d'Emmanuel Macron en Russie intervient à l'occasion du Forum international économique de Saint-Pétersbourg, principal rendez-vous des milieux d'affaires russes où est attendu aussi le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
Pour l'Elysée, leur rencontre, prévue en fin d'après-midi au fastueux Palais Constantin sur le Golfe de Finlande, doit permettre aux deux dirigeants de "prendre le temps en profondeur en tête-à-tête".
Emmanuel Macron a la volonté "d'avoir un dialogue substantiel (...) pour dégager des points d'accord communs", a ajouté la présidence français, soulignant que le président a "conscience la difficulté que cela représente".
Les sujets ne manquent pas. Après des années de tensions liées à la crise ukrainienne et au conflit syrien, l'empoisonnement en mars d'un ex-espion russe en Angleterre a provoqué une vague d'expulsions de diplomates historiques entre la Russie et les Occidentaux, y compris la France.
Face à tous ces sujets qui fâchent, un point de convergence est apparu avec le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le programme nucléaire iranien, accompagné de menaces de sanctions américaines si Téhéran ne se plie pas à une liste d'exigences draconiennes en vue d'un nouvel accord.
Moscou et les Européens semblent sur ce point être sur la même ligne, les deux pays souhaitant préserver l'accord iranien. Restant discret publiquement sur le sujet, Vladimir Poutine a tenu de nombreux entretiens sur le sujet ces derniers jours, recevant vendredi Angela Merkel.
Les relations avec Paris restent empoisonnées par le conflit syrien, qui a fait plus de 350.000 morts depuis le début de la guerre en 2011.
Fidèle allié de Bachar al-Assad, reçu le 17 mars par Vladimir Poutine, Moscou intervient militairement dans le pays depuis septembre 2015 et a vivement dénoncé les frappes des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni fin avril contre des positions du régime de Damas, en riposte à une attaque chimique présumée.
Poutine "inévitable"
Autre point de désaccord: la situation en Ukraine, où les combats opposant depuis quatre ans gouvernement pro-occidental et rebelles prorusses connaissent un regain de tensions ces derniers jours.
Garants avec Berlin des accords de paix de Minsk signés en 2015, MM. Macron et Poutine devraient évoquer ce conflit ayant fait 10.000 morts depuis 2014 et où Moscou est accusé d'intervenir militairement par les Occidentaux, ce que la Russie dément.
Les Occidentaux ont compris que parler avec M. Poutine est "inévitable", estime l'expert Alexandre Baounov, du centre Carnegie. Angela "Merkel et (le Premier ministre japonais Shinzo) Abe ont déjà commencé à dégeler leurs contacts avec Moscou, et Macron craint de perdre l'avantage que la France a toujours eu avec la Russie".
En visitant le principal rendez-vous des milieux économiques russes, le président français veut aussi montrer que la France, restée l'une des principales sources d'investissements étrangers en Russie ces dernières années malgré les sanctions, veut continuer à y faire des affaires.
Au côté de Vladimir Poutine, Emmanuel Macron interviendra vendredi après-midi devant le Gotha économique russe présent au Forum, où il sera accompagné d'une importante délégation de patrons français et doit signer des contrats commerciaux. "Ceux qui craignent des sanctions, des condamnations, des critiques peuvent être rassurées: elles seront assumées par le gouvernement et non par les milieux d'affaires", juge Alexandre Baounov.
L'ONG Human Rights Watch a exhorté M. Macron à parler des droits de l'Homme avec Vladimir Poutine, "à défaut de quoi il apparaitrait comme se trahissant lui-même". A trois semaines du début de la Coupe du Monde de football, qui se tiendra du 14 juin au 15 juillet dans 11 villes de Russie, l'ONG a appelé à boycotter la cérémonie d'ouverture en raison du soutien de l'armée russe à Bachar al-Assad.