La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini recevra mardi les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni, qui seront ensuite rejoints par leur homologue iranien, ont annoncé vendredi ses services.
Les Européens vont «tout faire pour protéger les intérêts de (leurs) entreprises» en Iran, «en intervenant auprès de l'Administration américaine» au niveau de l'Union européenne, avait indiqué l'Elysée mercredi.
En annonçant mardi le retrait des Etats-Unis de l'accord nucléaire iranien, Washington a menacé de sanctionner toutes les entreprises étrangères qui commerceraient avec l'Iran et leur a donné 180 jours pour se conformer à cette injonction.
Une rencontre cruciale lundi
Ce mercredi, Jean-Yves Le Drian avait annoncé que les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères rencontreraient des représentants iraniens.
Selon le ministre des Affaires étrangères français, le gouvernement réunira également les entreprises de l'Hexagone «dans les jours qui viennent» pour «tenter de les préserver au maximum des mesures américaines». Les Etats-Unis ont annoncé hier rétablir les sanctions sur tous les investisseurs étrangers en Iran, qui ont entre 90 et 180 jours pour quitter le pays.
Cette option radicale du président américain a été dénoncée avec force par Téhéran et ouvertement regrettée par ses alliés européens qui ont promis de sauver le compromis de 2015.
C'est «une grave erreur», a aussitôt réagi son prédécesseur démocrate Barack Obama, sortant de sa réserve avec un ton particulièrement ferme pour défendre le texte conclu sous son administration et mis selon lui «en danger» par son successeur républicain.
Quinze mois après son arrivée au pouvoir, le 45e président des Etats-Unis a décidé, comme il l'avait promis en campagne, de sortir de cet accord emblématique décroché après 21 mois de négociations internationales acharnées.
«J'annonce aujourd'hui que les Etats-Unis vont se retirer de l'accord nucléaire iranien», a-t-il déclaré dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche, faisant craindre une montée des tensions au Moyen-Orient.
Donald Trump a annoncé le rétablissement des sanctions levées en contrepartie de l'engagement pris par la République islamique de ne pas se doter de l'arme nucléaire. «Aujourd'hui nous avons la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge», a-t-il martelé. Il a estimé que «le futur de l'Iran appartient à son peuple» qui mérite un «meilleur» gouvernement. Une petite phrase qui alimente les spéculations sur la volonté de Washington de faire tomber in fine le régime des mollahs.
C'est déjà au nom de son slogan «America First» que le président de la première puissance mondiale avait remis en cause plusieurs engagements multilatéraux des Etats-Unis, au premier rang desquels l'accord de Paris sur le climat.
«Guerre psychologique»
Le président iranien Hassan Rohani, qui s'était beaucoup investi dans cet accord, a immédiatement accusé son homologue américain de pratiquer «une guerre psychologique».
Assurant vouloir discuter rapidement avec les Européens, les Chinois et les Russes, autres signataires de l'accord, il a averti que son pays pourrait mettre un terme aux restrictions qu'il a consenties sur ses activités d'enrichissement d'uranium.
Washington a précisé que les sanctions seraient effectives «immédiatement» pour les nouveaux contrats et que les entreprises, notamment étrangères, déjà engagées en Iran auront entre trois et six mois pour en «sortir» avant d'être frappées à leur tour par les mesures punitives leur barrant l'accès aux marchés américains.
«Tout pays qui aidera l'Iran dans sa quête d'armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis», a encore mis en garde le président septuagénaire. Son conseiller à la sécurité nationale John Bolton a même laissé planer la menace de «sanctions supplémentaires» pour «mettre le plus de pression économique possible sur l'Iran».
L'annonce américaine était très attendue au Moyen-Orient où beaucoup redoutent une escalade avec Téhéran - la Turquie a dit craindre «de nouveaux conflits». Mais aussi de l'autre côté de planète, en Corée du Nord, à l'approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong Un sur la dénucléarisation de la péninsule.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son plus ferme soutien sur ce dossier, a immédiatement soutenu «totalement» cette décision «courageuse». Le royaume sunnite d'Arabie saoudite, grand rival régional de l'Iran chiite, a aussi affiché son «soutien»
«Regrets» de l'UE
Mais les signataires de l'accord ont vivement exprimé leur désaccord.
«La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine», a déclaré sur Twitter Emmanuel Macron. Dans un communiqué commun, le président français, la chancelière allemande Angela Merkel et la Première ministre britannique Theresa May, qui s'étaient tous trois investis en vain pour tenter de convaincre Donald Trump de rester dans l'accord, se sont dits «déterminés à assurer la mise en oeuvre» de ce texte en «maintenant les bénéfices économiques» au profit de la population iranienne.
Au diapason, l'Union européenne a promis de «préserver» le «plan d'action» de 2015, «une des plus belles réussites jamais réalisées par la diplomatie».
La Russie s'est dite «profondément déçue» tandis que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les signataires, hors Etats-Unis, à «respecter pleinement leurs engagements».
Ces derniers avaient défendu jusqu'au bout ce compromis qu'ils jugent «historique», soulignant que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
En janvier, l'ancien magnat de l'immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu'au 12 mai pour «durcir» sur plusieurs points l'accord qu'il voue aux gémonies.
En ligne de mire: les inspections de l'AIEA ; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en font selon lui une sorte de bombe à retardement; mais aussi le fait qu'il ne s'attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé «déstabilisateur» dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
Malgré le retrait américain, Emmanuel Macron, qui s'était rendu à Washington fin avril, a relancé mardi son initiative visant à travailler «collectivement» à un accord plus large couvrant «l'activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient».