Donald Trump, qui promet depuis longtemps de «démanteler» l'accord sur le nucléaire iranien, pourrait mettre mardi sa menace à exécution malgré les mises en garde internationales, ouvrant une période de fortes turbulences avec l'Europe et d'incertitude quant aux ambitions atomiques de Téhéran.
Diplomates et observateurs en sont persuadés : sauf revirement de dernière minute, le président des Etats-Unis devrait annoncer à 14h00 (18h00 GMT) depuis la Maison Blanche qu'il rétablit, au moins partiellement, les sanctions levées en contrepartie de l'engagement pris par l'Iran en 2015 de ne pas se doter de l'arme nucléaire.
«Il me paraît assez évident» qu'il va rétablir les sanctions, a résumé lundi soir à Washington un diplomate européen.
Cela risque, pensent les experts, de «tuer» l'accord conclu à Vienne par Téhéran avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne après plus de dix ans de tensions sur le programme nucléaire iranien et un marathon diplomatique.
Tous les autres signataires ont défendu jusqu'au bout ce compromis qu'ils jugent «historique», soulignant que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui conduit des inspections réputées très poussées, a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
«Nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord parce que cet accord nous préserve de la prolifération nucléaire», a réaffirmé lundi le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. Son homologue allemand Heiko Maas a, lui, redouté «qu'un échec ne conduise à une escalade» au Moyen-Orient.
«Lacunes désastreuses»
Depuis qu'il n'était qu'un candidat républicain à la présidence, Donald Trump voue aux gémonies ce «plan d'action» conclu sous l'administration de son prédécesseur démocrate Barack Obama, auquel il reproche des «lacunes désastreuses».
En janvier, il avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu'au 12 mai pour le «durcir» sur plusieurs points : les inspections de l'AIEA; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en font selon lui une sorte de bombe à retardement; mais aussi le fait qu'il ne s'attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé «déstabilisateur» dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).
Et Paris, Londres et Berlin, qui ne juraient il y a encore quelques mois que par cet accord, tout l'accord mais rien que l'accord, ont joué le jeu en négociant avec les diplomates américains des solutions à ces préoccupations.
Les demandes de Donald Trump sont «légitimes», a ainsi reconnu lundi à Washington le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson. Mais «nous pensons qu'on peut être plus dur sur l'Iran, répondre aux inquiétudes du président sans jeter le bébé avec l'eau du bain».
Le président français Emmanuel Macron, qui affiche son entente avec son homologue américain, lui a proposé le 24 avril à la Maison Blanche de négocier un «nouvel accord" avec l'Iran qui, autour du «pilier» de 2015, bâtisse d'autres «piliers» pour répondre aux inquiétudes américaines. La chancelière allemande Angela Merkel l'a suivi quelques jours plus tard, admettant que l'accord actuel «n'est pas suffisant».
Donald Trump «a réussi à faire évoluer» les Européens, estime Robert Malley, ex-négociateur avec l'Iran sous la présidence Obama et actuel président du groupe de réflexion International Crisis Group.
Que va faire l'Iran ?
Car malgré des tractations bien avancées entre diplomates des deux rives de l'Atlantique, Emmanuel Macron n'a pas caché son pessimisme. Selon lui, le milliardaire républicain risque de claquer la porte «pour des raisons de politique intérieure».
Malgré la réprobation internationale, c'est déjà au nom de son slogan «America First», «l'Amérique d'abord», que le président de la première puissance mondiale a renié plusieurs engagements multilatéraux, comme l'accord de Paris sur le climat ou le traité de libre-échange transpacifique, et en réponse à une autre promesse de campagne qu'il a décidé de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël.
L'annonce de mardi va elle aussi avoir des répercussions encore difficiles à prédire, et qui dépendront en partie d'où Washington va placer le curseur du rétablissement des sanctions américaines.
Les Européens ont fait savoir qu'ils comptent rester dans l'accord quoi qu'il advienne.
Mais que vont faire les Iraniens? Pour l'instant, Téhéran, où cohabitent des ultraconservateurs autour du guide suprême Ali Khamenei et des dirigeants plus modérés autour du président Hassan Rohani, ont soufflé le chaud et le froid, menaçant de quitter à leur tour l'accord de 2015, de relancer et accélérer le programme nucléaire, ou alors en laissant entendre qu'ils pourraient y rester si les Européens pallient l'absence américaine.
Au-delà des premières réactions, devrait donc s'engager une phase de tractations en coulisses. Même après mardi, «il y a encore beaucoup d'efforts diplomatiques à mener», a estimé récemment le nouveau secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo.