Gina Haspel, candidate de Donald Trump pour diriger la CIA, a l'expérience de plus de trente ans dans l'ombre des opérations clandestines, une carrière toutefois ternie par son rôle controversé dans des programmes de torture après le 11-Septembre.
«Gina Haspel, ma très respectée candidate pour diriger la CIA, est saluée car elle a été et sera toujours DURE CONTRE LE TERRORISME!», a tweeté mardi le président américain, la qualifiant de «meneuse partout où elle a été». Son audition de confirmation, mercredi au Sénat, promet toutefois d'être mouvementée en raison des réticences de plusieurs parlementaires d'adouber celle qui a autorisé des méthodes d'interrogatoire assimilées à la torture sur des membres présumés d'Al-Qaïda en 2002.
La vie de Gina Haspel, 61 ans dont trente-trois passés à la CIA, reste un mystère pour beaucoup. Même son visage est resté longtemps inconnu. La CIA n'a publié qu'en mars une biographie sommaire et quelques photos. On apprend qu'elle a soutenu Mère Teresa quand celle-ci cherchait l'aide des Etats-Unis pour nourrir les pauvres dans les années 1980. Elle est apparue mince et souriante, des cheveux bruns jusqu'aux épaules et vêtue d'une robe à fleurs lors de la prestation de serment de son ancien chef, Mike Pompeo, comme secrétaire d'Etat début mai.
«Des aventures à l'étranger»
Elle est l'aînée d'une fratrie de cinq enfants, élevée dans plusieurs pays au gré des affectations de son père, membre de l'US Air Force. Elle passe son baccalauréat en Grande-Bretagne avant d'intégrer l'Université de Louisville (Kentucky, sud) où elle étudie le journalisme et les langues étrangères - français et espagnol. Elle rejoint la CIA en 1985.
«Je voulais vivre des aventures à l'étranger où je pourrais utiliser mon amour pour les langues étrangères. La CIA me l'a permis», dit-elle. Elle part d'abord en Afrique, comme officier traitant. Ce poste «était tout droit sorti d'un roman d'espionnage. On ne pouvait pas rêver mieux».
Après avoir appris le russe et le turc, elle se retrouve en Russie et en Europe de l'Est dans les années 90 puis devient chef de poste en Azerbaïdjan. Elle est récompensée pour avoir dirigé la traque et l'arrestation de deux jihadistes présumés. Cette opération reste secrète mais les dates correspondent aux attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998.
Gina Haspel intègre ensuite le centre antiterroriste de l'Agence. Elle prend son poste le 11 septembre 2001, quand plusieurs attentats à New York et Washington font près de 3.000 morts. La période qui suit, entre 2001 et 2005, ternit sa biographie et l'image de la CIA avec la détention illégale de membres présumés d'Al-Qaïda qui subissent des interrogatoires poussés, comme des simulations de noyade.
Selon d'anciens responsables de la CIA, Gina Haspel a dirigé un centre de détention à Bangkok où ont été interrogés les Saoudiens Abd al-Rahim al-Nashiri, considéré comme le cerveau des attaques contre le pétrolier Limburg en 2002 et le navire américain USS Cole en 2000, et Abou Zoubaydah, le premier membre influent présumé du réseau islamiste capturé par les Américains.
Mme Haspel «a personnellement supervisé la torture d'un détenu de la CIA en 2002, menant à au moins trois séances de simulation de noyade», indiquent les archives de la sécurité nationale à l'Université George Washington.
Bloquée en 2013
Certains la saluent pour avoir obéi aux ordres, d'autres la critiquent pour n'avoir pas dit non. Son opinion sur la torture reste floue. La sénatrice démocrate Dianne Feinstein s'est inquiétée de la «promotion d'une personne si impliquée dans le programme de torture à la tête de la CIA, l'agence responsable de l'un des chapitres les plus sombres de notre histoire». En 2008, Gina Haspel dirige les opérations de la CIA en Europe et devient directrice adjointe des opérations clandestines mondiales en 2012. Mais son passé la rattrape quand des parlementaires bloquent sa promotion comme directrice des opérations clandestines en 2013, selon le New York Times.
Elle occupe un autre poste en Europe avant d'être nommée directrice adjointe en 2017 par Mike Pompeo. Soucieuse de présenter une image positive de la candidate, la CIA ajoute qu'elle a deux passions: l'équipe de basket-ball de son ancienne université et le célèbre chanteur country Johnny Cash, «symbole de l'individualisme américain».