Trois Suédois, un Allemand, deux Canadiens et un Argentin... Des touristes du monde entier affluent à Tchernobyl, en Ukraine, site du pire accident nucléaire de l'Histoire, devenu une attraction pour ceux qui veulent sortir des sentiers battus.
Maja Bandic, une Croate quinquagénaire, est venue exprès en Ukraine pour visiter cette centrale tristement célèbre dont le 4e réacteur explosa le 26 avril 1986 contaminant une grande partie de l'Europe.
«J'en avais marre des musées et bâtiments, de la globalisation. Chaque ville commence à se ressembler, on y voit des Ikea, Mango, Zara... Je voulais voir quelque chose de totalement différent, comme Tchernobyl», explique cette blonde rieuse à l'AFP au milieu de la zone d'exclusion contaminée et toujours inhabitée, qui entoure la centrale dans un rayon de 30 kilomètres.
Un rêve qui séduit un nombre croissant de touristes à en croire les statistiques officielles : l'an dernier, quelque 50.000 personnes (dont 70% d'étrangers) se sont rendues à Tchernobyl, soit une hausse de 35% par rapport à 2016... et de 350% par rapport à 2012.
Signe des temps, un kiosque de souvenirs offrant des t-shirts décorés de symboles de radioactivité noire et jaune et des masques à gaz soviétiques en caoutchouc kaki s'est ouvert à l'entrée principale de la zone d’exclusion. Pour un vrai développement touristique, il ne manque plus que des toilettes dignes de ce nom et des hôtels offrant plus que le confort rudimentaire actuellement disponible.
Pour Viktor Khartchenko, gérant de l'agence de tourisme Go2chernobyl.com, qui organise depuis 2012 des voyages vers ce site, ce boom touristique s'explique par deux facteurs clé: le 30ème anniversaire de la catastrophe en 2016 et l'installation la même année d'un nouveau dôme de confinement métallique au-dessus du réacteur accidenté, qui a permis de réduire fortement les fuites de matières radioactives.
Les deux évènements ont été abondamment couverts par les médias internationaux, ce qui a sans doute apaisé les craintes de ceux qui hésitaient à se rendre à Tchernobyl, estime-t-il, assurant que ces voyages ne représentent aucun danger. «Une journée de séjour dans la zone équivaut à deux heures de vol au-dessus de l'Océan atlantique en terme de dose de radiation absorbée», affirme M. Khartchenko.
Joel Alvaretto, un étudiant argentin, avoue lui, avoir «un peu peur» des radiations. On dit «qu'on peut voir les effets des radiations beaucoup d'années plus tard, mais je ne sais pas», ajoute-il.
«Nature plus forte que les humains»
En quittant Tchernobyl, tout le monde est obligé de passer des contrôles de radiation. Un grand dosimètre dans lequel on se tient debout, affiche «propre» pour M. Alvaretto, tout comme pour les autres membres de son groupe.
Plusieurs agences de voyages ukrainiennes offrent des excursions à Tchernobyl, d'une durée d'un à sept jours, et dont le prix varient entre 25 et 650 euros.
Au programme : visite de la nouvelle chape recouvrant le réacteur accidenté, de villages abandonnés, alimentation de gigantesques silures vivant dans les eaux radioactives d'un canal de refroidissement... Dans certains endroits, de petits dosimètres portables de visiteurs se mettent à bipper en désordre signalant les taux de radiations élevés. «Une vraie symphonie !», ironise un touriste.
Le point d'orgue de la visite est Pripiat, ville-fantôme située à seulement quelque kilomètres de la centrale et dont presque 50.000 habitants avaient été évacués en trois heures le 27 avril 1986 pour ne plus jamais revenir chez eux.
On y voit des immeubles résidentiels abandonnés, des écoles où des jouets d'enfants, livres ou notes manuscrites traînent encore, un parc d'attractions dont la grande roue s'élève toujours sur la place centrale : «Très cool de voir tout cela, de voir comment toute une ville n'est désormais qu'un vestige de ce qu'elle était jadis», confie Adam Ridemar, un étudiant suédois venu avec son père voir ce «lieu culte».
Il s'étonne de la végétation exubérante : «je m'attendais plutôt à trouver de la jungle de béton ici».
Le reconquête par la nature de ces terres abandonnées, où des routes asphaltées se rétrécissent, mangées petit à petit par des herbes folles et des maisons disparaissent derrière la broussaille de plus en plus dense, fascine beaucoup de visiteurs.
«Cela prouve que la nature après tout est plus forte que les humains. Et c'est très bien. C'est la puissance de Dieu», résume Mme Bandic. Les gens «jouent avec des choses dangereuses : ils ont le soleil, le vent et n'ont pas besoin de l'énergie nucléaire, trop dangereuse», estime-t-elle.