Emmanuel Macron retrouve lundi aux Etats-Unis Donald Trump qu'il espère convaincre sur nombre de points de désaccords, Iran en tête, sans certitude aucune que celui qu'il appelle volontiers son «ami» l'écoute.
Premier dirigeant étranger à être reçu par Trump avec les honneurs d'une «visite d'Etat», le président français aura droit au grand jeu : dîner privé dans le cadre enchanteur de Mount Vernon, la demeure historique de George Washington, cérémonie sur le «South Lawn», soirée dans les salons de la Maison Blanche.
En contacts très réguliers au téléphone, ces deux hommes si dissemblables aiment chacun rappeler leur point commun : ils ont tous deux remporté une victoire longtemps jugée inimaginable par le «Tout-Paris» comme le «Tout-Washington».
Louant «une relation très personnelle» et «un bon niveau de confiance et de respect» avec le 45e président américain, Emmanuel Macron expliquait cette semaine dans Vanity Fair apprécier ses conversations «très directes» avec ce dernier.
Du climat à l’Iran en passant par le libre-échange, les deux dirigeants, que plus de trente ans séparent, ont, sur nombre de dossiers brûlants, des positions diamétralement opposées.
Et s’il est tombé sous le charme du défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées au point de vouloir s'en inspirer pour un «remake» sur Pennsylvania Avenue, le président septuagénaire, les yeux rivés sur sa base électorale, n'a jusqu'ici pas cédé d'un pouce sur le fond.
Iran, sujet phare
Pour le président français, qui s'exprimera mercredi, en anglais, devant le Congrès, la question est de savoir ce qu'il rapportera de ses trois jours à Washington, au-delà des signes d'«amitié» et d'un rappel du «statut unique de la France, tout premier allié de l'Amérique».
Dossier emblématique des désaccords flagrants entre Washington et Paris, l'accord sur le nucléaire iranien devrait dominer leurs discussions, d'autant que Donald Trump tranchera sur son sort dans trois semaines.
En campagne, le magnat de l'immobilier avait promis de «déchirer» ce texte visant à empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique. Il a donné à ses signataires européens (France, Royaume-Uni et Allemagne) jusqu'au 12 mai pour le durcir, faute de quoi il rétablira les sanctions contre Téhéran.
Très attachée au maintien de l'accord, la présidence française se dit «extrêmement prudente» sur ses chances de convaincre car «les signaux ne sont pas encourageants». Paris reconnait même ne «pas s'attendre à une percée diplomatique» la semaine prochaine.
Autre source de très vives tensions transatlantiques : l'exemption de tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium pour les pays de l'UE expire le 1er mai.
La guerre en Syrie s'invitera aussi dans les débats. Si Washington, Londres et Paris ont coordonné des frappes communes en réponse à l'attaque chimique près de Damas, la stratégie américaine pour la suite pose question.
Le président français s'est vanté dimanche d’avoir «convaincu» le président américain de «rester dans la durée» en Syrie. Mais, dans la nuit, la Maison Blanche a démenti, rappelant que le président américain voulait toujours que «les forces américaines rentrent à la maison le plus vite possible».
Quant à l'accord de Paris, qu'Emmanuel Macron espérait encore cet automne convaincre Donald Trump de réintégrer, il semble relégué au second plan.
Shinzo Abe bredouille
Sur tous ces dossiers, «Emmanuel Macron peut espérer infléchir les positions de Donald Trump, mais jusqu'ici les résultats concrets ont été très limités», reconnaît Benjamin Haddad, chercheur au Hudson Institute de Washington.
Mais, souligne-t-il aussi, notamment dans la lutte contre le terrorisme, l'approche «réaliste» du président français pourrait s'avérer payante sur d'autres fronts. Pour Paris, l’appui américain dans la lutte contre les jihadistes au Sahel reste en effet une priorité.
Le président français se rend aussi sur place comme chantre de l'Europe, notamment dans le différend commercial. «En étant pour Donald Trump ce que Angela Merkel était pour Barack Obama, l'interlocuteur central et fiable, il peut émerger comme le leader diplomatique de l'Union Européenne et gagner du crédit pour son agenda de réforme de l'UE», estime l'analyste.
Le face-à-face entre les deux hommes intervient quelques jours après la réception fastueuse, à Mar-a-Lago en Floride, de l'autre dirigeant avec lequel Trump affiche haut et fort sa bonne entente : le Japonais Shinzo Abe.
Mais en dépit des tapis rouges, d'une matinée de golf et d'un cheeseburger partagé sur les greens, les résultats furent plutôt maigres pour le dirigeant nippon, reparti sans l'exemption sur les tarifs douaniers qu'il espérait.