Le Royaume-Uni a dénoncé mercredi à La Haye le comportement «irresponsable» de la Russie, qu'il accuse d'avoir violé deux décennies d'interdiction internationale des armes chimiques en empoisonnant sur son sol un ex-espion russe avec un agent innervant.
Parallèlement, à Londres, l'Ofcom, le régulateur britannique des médias, a annoncé l'ouverture de sept enquêtes sur «l'impartialité» des programmes d'information de la chaîne russe RT News dans son traitement de l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia. Cette procédure peut conduire à des pénalités financières ou, en dernier recours, à une interdiction d'émettre.
Lors d'une réunion à La Haye au siège de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), Peter Wilson, l'ambassadeur britannique a dénoncé le comportement «irresponsable» de Moscou, qui viole «l'interdiction mondiale des armes chimiques» et «menace la sécurité mondiale».
Dans son discours dont l'AFP a pris connaissance, le chef de la délégation du Royaume-Uni a de nouveau désigné la Russie comme «le seul» responsable de l'empoisonnement des Skripal le 4 mars à Salisbury, une petite ville du sud-ouest de l'Angleterre.
Moscou et Londres s'affrontent publiquement depuis la tribune de l'OIAC, qui a pour mission d'enquêter sur l'utilisation d'armes chimiques dans le monde.
«La Russie a mené une campagne de désinformation effrontée et a attaqué la réputation et l'expertise de l'OIAC», a fustigé Peter Wilson, pour qui «seule la Russie dispose des moyens techniques, de l'expérience opérationnelle et du motif pour cibler les Skripal».
Des accusations toujours niées en bloc par Moscou. «Il est probable que, forte probabilité, probablement, aurait pu, peut-être : c'est à nouveau le vocabulaire utilisé par la délégation britannique. Quelle profondeur d'argumentation !» a ironisé l'ambassade russe auprès de l'OIAC sur Twitter.
L'ambassadeur russe aux Pays-Bas Alexandre Choulguine a pour sa part accusé les Britanniques d'"essayer de tromper tout le monde» avec «une histoire tissée de mensonges».
«Banalisation grave»
Une équipe de l'OIAC a également été envoyée en Syrie pour enquêter sur une attaque chimique présumée à Douma imputée à l'armée syrienne et ses alliés le 7 avril, et qui aurait fait plus de 40 morts. Jeudi, son chef a dit ignorer quand la mission d'enquête pourra être effectivement déployée.
«La répétition de ces attaques, l'une au Levant, l'autre en Europe, dans un domaine régi par des conventions parmi les plus anciennes dont dépend la sécurité internationale, est un motif de profonde inquiétude pour la France», a déclaré l'ambassadeur français auprès de l'OIAC, Philippe Lalliot.
«La France n'accepte pas qu'en toute impunité, les fondements du régime de non-prolifération soient sapés», a-t-il poursuivi dans son discours, consulté par l'AFP.
La réunion de l'OIAC à huis clos a été convoquée par le Royaume-Uni, alors que les inspecteurs de l'organisation ont confirmé que Sergueï Skripal et sa fille avaient été empoisonnés par un agent innervant, inoculé selon Londres sous forme liquide et en très petite quantité.
Nettoyage à Salisbury
Après avoir déployé ses experts à Salisbury, l'OIAC a annoncé jeudi dernier que les analyses en laboratoire «confirment les découvertes du Royaume-Uni quant à l'identité de l'agent chimique toxique utilisé à Salisbury».
L'OIAC n'a cependant pas nommé publiquement la substance en cause qui, selon le Royaume-Uni, était un agent neurotoxique de type Novitchok, développé en Union soviétique dans les années 1970.
L'OIAC n'a pas non plus établi de responsabilités dans cette affaire, à l'origine d'une grave crise diplomatique entre Moscou et Londres, soutenu par ses alliés occidentaux. Ces tensions croissantes se sont traduites par la plus grande vague d'expulsions croisées de diplomates de l'histoire.
Mardi, les opérations de nettoyage ont démarré à Salisbury, où la plus forte concentration du produit innervant a été retrouvée au domicile de Sergueï Skripal.
Au total neuf sites, dont trois situés dans le centre-ville, ont été identifiés par la police antiterroriste comme devant être traités par des spécialistes. Parmi eux figurent un pub et un restaurant où les Skripal ont pris un verre puis déjeuné le 4 mars, peu avant d'être découverts inconscients sur un banc public à proximité.
L'état de Sergueï Skripal, 66 ans, est en constante amélioration mais il reste hospitalisé, tandis que sa fille de 33 ans a, elle, pu sortir de l'hôpital.