ll y a un an, il épousait Magalie. Puis devenait père. Une histoire banale... Sauf que le jeune marié, David Gréa, était prêtre. Et un curé médiatique, hyper connecté, dont les concerts pop, entre autres innovations, avaient fait de lui une star lyonnaise.
Prêtre et marié, une impossibilité, à ce jour, dans l'Église catholique d'Occident. Pourtant, «je suis convaincu qu'en France on peut être un bon prêtre en étant marié», confie à l'AFP celui qui a été traduit devant le tribunal ecclésiastique et a perdu l'état clérical, contre son gré.
Pourtant, relève-t-il, «on est prêtre à vie. Comme le baptême, on ne nous l'enlève pas... Je suis en pause».
Curé emblématique, connu bien au-delà de son diocèse, David Gréa avait réussi en six ans, dans sa jeune paroisse de Lyon-Centre-Sainte-Blandine, à attirer des milliers de fidèles et à dépoussiérer l'image de l’Église.
Son départ très médiatisé, annoncé en février 2017 sur le site de la paroisse, a surpris, choqué ou déçu des fidèles. D'autres l'ont soutenu. «Il y a quelque temps, j’ai commencé à construire une relation avec une femme avec laquelle je pense que Dieu m'appelle à vivre», écrivait-il alors dans sa lettre.
Combien sont-ils en France ? Aucune statistique. Une quinzaine par an, estiment certains, sur quelque 15.000 prêtres.
Aujourd'hui, sourit David Gréa, «je suis heureux. C'est quelque chose de se sentir père - d'un petit Léon, né fin septembre -, d'avoir la responsabilité charnelle de quelqu'un».
«De vivre concrètement cet amour qui habitait mon coeur, que je prêchais, et que j'expérimente maintenant autrement», affirme ce Lyonnais de 49 ans qui raconte son cheminement dans «Une vie nouvelle» (Les Arènes), à paraître le 18 avril.
Sans éluder la misère affective et sexuelle de nombreux prêtres.
Il raconte aussi ses entretiens avec le cardinal Philippe Barbarin, dont il était proche, et le pape François, qui l’avait reçu avec sa future compagne.
Diplômé de philosophie, ordonné prêtre en 2000, docteur en théologie - avec une thèse qui l'a conduit à Oxford, à Rome et aux États-Unis - il a été le responsable à Lyon de Saint-Martin d'Ainay et Sainte-Blandine.
«Je suis ton père»
«Il n'y a plus de raison d'imposer le célibat à chacun. Ce n'est plus adapté au monde actuel», estime David Gréa qui s'est reconverti dans le coaching de managers et vit à Paris.
Mais «je ne suis pas un militant anti-célibat. Si un prêtre souhaite être célibataire, tant mieux, c'est un don magnifique. Ca veut dire que ça le rend heureux».
Lui, non. Peu à peu, confesse-t-il, «ma prière est devenue : 'Seigneur, je suis heureux comme prêtre mais pas dans le célibat. Si c'est ta volonté, présente-moi quelqu'un. Je n'irai pas la chercher, mais que je la rencontre !'».
En 2012, il confie au cardinal Barbarin : «à part le célibat, tout va bien !».
Ce curé novateur crée à Sainte-Blandine une maison des familles, un restaurant, multiplie les concerts avec le groupe de pop louange Glorious - avec lequel il reste lié -, dialogue avec ses paroissiens sur les réseaux sociaux, organise en 2015 un hackathon «HackMyChurch» pour une église numérique...
Lors de la sortie d'un opus de «Star Wars», il pose sur Twitter en curé-Jedi. Brandissant un sabre laser, il parodie Dark Vador et lance «Je suis ton père».
Avec Magalie, qui est protestante, «on a la chance d'avoir une foi commune. Ca ne la gênerait pas que j'exerce la prêtrise en étant marié avec elle».
Le célibat n'est pas un dogme mais une règle. Les prêtres catholiques d’Orient peuvent se marier.
Dans l’Église, «il y a une vraie inertie. Il faut de la patience pour que les choses bougent», même si cela avance «depuis l'encyclique 'Dieu est amour' de Benoît XVI». L'ordination d'hommes mûrs mariés devrait aussi être abordée au synode convoqué par le pape François en octobre 2019.
A l'automne, David Gréa participera à un autre hackathon, «HackMyBible». L'objectif ? Assurer grâce aux nouvelles technologies le rayonnement de la Bible, livre le plus vendu au monde... mais pas le plus lu. «Ce sera une première mondiale.»
«Mon espoir, à terme, c'est que je puisse de nouveau exercer mon ministère. En attendant, je vis ma foi comme tout le monde, avec bonheur, en famille. Et c'est génial !».