Portiques en panne, fouilles distraites des véhicules et inexistantes pour les bagages. Les récits des visiteurs du grand hôtel de Kaboul juste avant son attaque samedi révèlent des failles criantes du dispositif de sécurité dans une ville sous menace permanente.
Depuis le 1er janvier, la protection de l'établissement - dans lequel plus de vingt personnes dont 14 étrangers ont été tuées selon un bilan officiel controversé - a tout récemment été confiée à une société privée, KBSS (Kabul Balkh Safety Security company) créée en 2004 à Kaboul.
Quarante-huit heures après la fin des opérations et la mort des six assaillants, l'hôtel Intercontinental (propriété de l'Etat afghan), long bâtiment blanc à la façade en partie noircie par l'incendie, est toujours interdit d'accès à la presse.
On ignore encore à ce stade comment les hommes armés ont pu s'infiltrer -semble-t-il facilement- avec leurs armes dans le bâtiment.
Pour le ministre de l'Intérieur Wais Barmak, interrogé mardi matin à la télévision, «il était impossible qu'un groupe de six assaillants puisse pénétrer dans l'hôtel sans complicité interne».
La compagnie de sécurité KBSS, sollicitée par l'AFP, a refusé de s'exprimer, alors que des voix s'élèvent pour dénoncer son manque de rigueur et de professionnalisme avant et pendant l'assaut.
Plusieurs visiteurs récents de l'établissement - dont l'AFP - ont pu observer directement la faiblesse apparente du dispositif de sécurité, et cela en dépit des trois points de contrôle entre l'entrée du complexe et celle de l'hôtel.
Une équipe de l'AFP s'est rendue à l'hôtel samedi matin, douze heures avant le début de l'attaque, pour une conférence : «Au premier barrage, le garde m'a juste demandé si j'avais une arme, j'ai dit 'non'», a rapporté le chauffeur de l'AFP.
«Au second, le garde a juste vérifié la présence de bombes magnétiques sous la voiture avec un chien renifleur et un miroir. Ils ne nous ont jamais fouillés au corps».
Client régulier des restaurants de l'hôtel, Ahmad Shafi a quitté les lieux une dizaine de minutes avant le début de l'attaque.
Son récit est similaire : «Au cours des deux dernières semaines, je suis venu deux fois en famille. Un seul contrôle nous a arrêtés et encore, sans aucune fouille au corps», témoigne-t-il auprès de l'AFP.
Les gardes mis en cause
A l'entrée, les portiques de sécurité sous lesquels passent d'ordinaire visiteurs et bagages étaient éteints samedi.
«On nous a dit que les deux machines étaient en panne ce jour-là», a affirmé à l'AFP Aziz Tayeb, un client rescapé de l'attaque. «Nous sommes donc passés comme ça et nos bagages n'ont pas été fouillés avec davantage de soins».
«Je n'ai vu aucun garde dans la salle des scanners, avant d'entrer dans le bâtiment, ni à l'intérieur d'ailleurs».
Un autre client, Zmarai Hamdard, interrogé par le New York Times, témoigne aussi que les gardes l'avaient averti samedi de l'arrêt des scanners, deux heures environ avant le début de la tuerie.
L'attitude des gardes mise en cause
L'attitude des gardes pendant l'assaut est également mise en cause.
Un comptable de l'hôtel qui a réussi à s'échapper a affirmé à l'AFP que les gardes s'étaient enfuis : «Ils sont partis sans combattre : ils n'avaient aucune expérience».
«Les gardes de la société privée n'étaient pas préparés à ça, quand nous sommes arrivés ils étaient démoralisés, paniqués, alors qu'ils avaient réussi à se sauver et à se mettre à l'abri», a abondé le patron des forces spéciales de la police appelées sur les lieux, le général Sayed Mohammed Roshandil, interrogé par le NYT.
«Combattre des assaillants prêts à mourir requiert de l'expérience», ajoute-t-il.
Ces accusations sont rejetées par une source de sécurité jointe par l'AFP, qui connaît bien cette société.
«Leurs antécédents ont été vérifiés, ils étaient bien entraînés, bien plus professionnels que les policiers qu'ils ont remplacés», jure-t-elle.