L'establishment républicain a retrouvé le sourire, sinon le pouvoir. L'homme qui s'était autoproclamé gardien du trumpisme, Steve Bannon, a été renié par le patron, Donald Trump.
Ces deux factions se disputaient l'oreille du président des Etats-Unis, qui jouait de leur rivalité. Le plus souvent, il s'associait aux chefs républicains du Congrès, partenaires forcés.
Mais il laissait faire Steve Bannon, en guerre ouverte avec ce qu'il appelle le «marigot», dans lequel il inclut tout ce que le parti compte de chefs, de caciques et d'élus -tous ceux qui, selon lui, diluent la pureté de la révolution trumpiste.
Steve Bannon était sorti d'un relatif anonymat par son recrutement surprise comme «directeur général», en août 2016, par Donald Trump, désireux de relancer sa campagne à trois mois de la présidentielle. Il était alors patron de Breitbart.com, dont les articles sont très partagés à droite et à l'extrême droite.
A l'époque, le communiqué vantait sa réputation d'«homme le plus dangereux de la politique américaine». Il apparaît alors comme l'idéologue et le metteur en scène du populisme économique promu par Donald Trump, même si celui-ci a toujours contesté être sous influence. Le nouveau président le nomme néanmoins stratège à la Maison Blanche.
Au bout de sept mois mouvementés, en août, il est exfiltré, mais les deux hommes restent officiellement en bons termes. Steve Bannon reprend alors les rênes de Breitbart, son «arme». Son objectif : virer les républicains sortants lors des primaires législatives de 2018 et faire tomber le chef de la majorité sénatoriale Mitch McConnell, son ennemi juré.
Mais le premier candidat sur lequel il mise à l'occasion d'une élection partielle en décembre, Roy Moore dans l'Alabama, perd contre le démocrate, du jamais vu dans ce bastion conservateur depuis 25 ans. C'est le premier coup porté à la réputation de Bannon.
Le second acte de sa chute prend la forme d'un livre dans lequel l'ancien conseiller tient des propos peu flatteurs sur le niveau intellectuel du président, entre autres. Donald Trump a publié mercredi soir un communiqué l'accusant d'avoir perdu la raison et d'avoir exagéré son influence.
«La fin de Bannon»
De nombreux candidats républicains avaient recherché l'adoubement de Steve Bannon pour les primaires du printemps, comme une façon indirecte d'obtenir l'onction trumpiste. Cet appui se traduisait par un soutien médiatique (via Breitbart) et financier (via des donateurs amis) garantissant une saison fratricide au sein du parti républicain. Mais maintenant que l'étiquette Bannon n'est plus synonyme de label Trump, ces candidats populistes se retrouvent dans l'embarras. Leurs communiqués, mercredi, réitéraient d'ailleurs leur loyauté... à l'occupant de la Maison Blanche.
Quant aux sortants, favoris de «l'establishment», ils ont fait feu pour reprocher l'association des dissidents à une personnalité ayant insulté le dirigeant... Car la seule figure réellement populaire et rassembleuse, chez les conservateurs, reste le président. Il affiche 82% d'opinions favorables parmi les sympathisants républicains, selon l'institut Gallup.
A Washington, les caciques jubilent. Mitch McConnell a laissé échapper un sourire jeudi en déclarant, dans un euphémisme, «s'associer à ce que le président a dit sur Steve Bannon».
«On ne voit pas qui sa toxicité va aider», a abondé Steven Law, qui dirige un puissant comité politique républicain. Dans les cercles républicains, on tirait à vue sur l'ex-favori Bannon. «Trump aurait gagné la présidence avec ou sans Bannon», a lâché un fidèle du milliardaire, Newt Gingrich.
«C'est la fin de Bannon», a estimé Ed Rollins, un vétéran républicain, sur Fox Business. Même les alliés du patron de Breitbart l'ont lâché. La milliardaire ultra-conservatrice Rebekah Mercer, actionnaire du site, a déclaré dans un communiqué au Washington Post jeudi qu'elle n'avait pas parlé à Steve Bannon depuis des mois et que ni elle, ni sa famille «ne soutenons ses actes et déclarations récentes».
Il n'y avait qu'à voir l'embarras du présentateur radio-TV Sean Hannity, défenseur ardent de Donald Trump, face à la polémique pour comprendre comment Bannon pourrait devenir un général sans armée.
Dans son émission mercredi soir, le journaliste a soigneusement évité de prendre parti et déplacé le débat sur... les médias, accusés de sur-réagir. «Ils adorent quand les républicains et les conservateurs se battent entre eux», a-t-il dit. Cette fois, pourtant, ce sont les républicains qui ont déclenché la guerre.