Après des mois de mises en garde, la Commission européenne a déclenché mercredi une procédure inédite contre la Pologne, pouvant aller jusqu'à priver le pays de ses droits de vote dans l'UE s'il ne renonce pas à ses réformes judiciaires controversées.
L'exécutif européen a annoncé, à l'issue de sa réunion hebdomadaire à Bruxelles, qu'il s'était résigné à activer l'article 7 du traité de l'UE, souvent qualifié d'"arme nucléaire" parmi les sanctions possibles au sein de l'Union.
"C'est avec le coeur lourd que nous avons activé" cet article, a déclaré devant la presse le vice-président de la Commission, Frans Timmermans. "Mais les faits ne nous donnent pas le choix, nous n'avons pas d'autre option", a-t-il ajouté.
Cette procédure encore inédite peut déboucher, au terme d'une procédure complexe et encore jamais utilisée, sur une suspension des droits de vote au sein du Conseil de l'Union, l'instance regroupant les 28, en cas de "violation grave" de l'Etat de droit dans un pays européen.
Dans sa première phase, qui est celle qu'a lancée mercredi la Commission, l'article 7 permet de "constater l'existence d'un risque clair de violation grave" de l'Etat de droit dans un pays membre, avec l'aval nécessaire d'une majorité qualifiée de 22 pays de l'UE.
Mais d'éventuelles sanctions, comme le retrait des droits de vote, ne pourraient intervenir que lors d'une seconde phase, nécessitant pour être déclenchée un vote à l'unanimité des pays européens (sans celui qui est visé).
"Il faut le faire"
La Hongrie ayant déjà indiqué qu'elle y ferait obstacle, l'adoption effective de sanctions paraît improbable. Bruxelles compte cependant sur la portée symbolique du déclenchement de la procédure, qui permettrait d'impliquer tous les Etats membres dans le débat.
"Il faut le faire, la France soutient totalement la Commission dans cette démarche-là", avait déclaré mardi la ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau.
"Nous n'allons pas rompre tous les ponts avec la Pologne", a cependant observé mardi le président de la Commission Jean-Claude Juncker, également soutenu par Berlin dans ce dossier.
"On n'est pas en situation de guerre avec la Pologne, on est dans une démarche difficile et j'espère qu'au bout du compte nous arriverons à nous rapprocher", avait-il ajouté, pour laisser la porte ouverte au dialogue.
La Commission a plusieurs réformes dans son viseur, dont celle de la justice constitutionnelle polonaise, adoptée en 2016, et celles plus récentes de l'organisation des juridictions de droit commun, de la Cour suprême et du Conseil national de la magistrature.