L'ex-ministre russe de l'Economie, Alexeï Oulioukaïev, a été condamné ce vendredi 15 décembre à huit ans de camp à régime sévère pour corruption, à l'issue d'un procès qu'il a dénoncé comme un coup monté par un proche du président Vladimir Poutine.
Oulioukaïev a également été condamné à une amende de 130 millions de roubles (environ 1,9 million d'euros).
«Oulioukaïev est coupable d'avoir reçu un pot-de-vin alors qu'il exerçait une fonction officielle», a déclaré la juge Larissa Semionova lors de l'énoncé du verdict, à la fin duquel elle doit annoncer la peine retenue. Le Parquet a requis dix ans de camp à régime sévère ainsi qu'une amende de 500 millions de roubles (environ 7 millions d'euros).
La plus grave affaire de corruption en 18 ans
La plus grave affaire de corruption en 18 ans de pouvoir de Vladimir Poutine arrive à son épilogue. Alexeï Oulioukaïev, 61 ans, contre qui le Parquet russe a requis dix ans de camp à régime sévère ainsi qu'une amende de 500 millions de roubles (environ 7 millions d'euros), dénoncait les accusations le visant comme «absurdes» et relevant d'une «provocation monstrueuse et cruelle».
Ministre de l'Economie de 2013 à 2016, il était accusé d'avoir tenté d'extorquer un pot-de-vin de deux millions de dollars à Igor Setchine, puissant patron du géant pétrolier Rosneft et proche du président Vladimir Poutine, en échange d'une autorisation pour la vente à Rosneft de la part de l'Etat dans le producteur pétrolier Bachneft.
Lors de sa déclaration finale le 7 décembre dans ce procès très médiatisé, M. Oulioukaïev, 61 ans, avait de nouveau clamé son innocence, tout en demandant aux Russes de lui pardonner d'avoir trop longtemps ignoré «les peines du peuple» alors qu'il se trouvait au gouvernement. Assigné en résidence depuis son arrestation, il s'était dit «coupable d'avoir trop souvent cherché le compromis, d'avoir choisi la facilité, la carrière et le confort», assurant avoir désormais compris «à quel point la vie des gens est difficile» en Russie. Il avait également estimé qu'une condamnation à dix ans de camp à régime sévère, comme le souhaitait le Parquet, équivaudrait à «une condamnation à mort». «Mais l'Histoire m'acquittera», avait-il lancé.
Le très puissant Igor Setchine, que Oulioukaïev avait qualifié de «démon» et accusé de l'avoir piégé, avait refusé à plusieurs reprises de se présenter au tribunal bien que convoqué par la justice.
Poutine a justifié jeudi, lors de sa conférence de presse annuelle, ce refus de M. Setchine de se présenter devant le tribunal : «la loi n'a été ici en aucun cas enfreinte», a-t-il déclaré, niant tout «deux poids, deux mesures» dans la justice russe. «Les enquêteurs ont rassemblé assez d'éléments, y compris la déposition de Setchine. Il aurait pu répéter tout ce qu'il a exposé lors de l'enquête préliminaire», a ajouté le président, disant ne pas voir de violations dans les actions du patron de Rosneft.
Billets ou vin ?
L'arrestation d'Alexeï Oulioukaïev en novembre 2016 avait provoqué une onde de choc dans le pays. Il est le responsable gouvernemental le plus haut placé arrêté et traduit devant la justice en Russie depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine il y a 18 ans.
Si de hauts fonctionnaires tombent régulièrement pour des affaires de corruption médiatisées, il s'agissait de la première interpellation d'un ministre en exercice depuis la fin de l'URSS.
Selon les enquêteurs, Oulioukaïev a été pris en flagrant délit en train de recevoir un pot-de-vin de la part d'Igor Setchine. L'ancien ministre affirme pour sa part avoir cru que le sac qui lui a été remis alors, qui pesait 22 kilos, contenait du vin haut de gamme.
Oulioukaïev s'était longtemps opposé à la vente de la part de Bachneft à Rosneft, mais celle-ci avait fini par aboutir après avoir reçu le soutien de Vladimir Poutine.
Cette opération avait constitué la plus grosse cession d'actifs réalisée en 2016 par l'Etat russe, qui souhaitait ainsi renflouer son budget plombé par l'effondrement des cours du pétrole.
Ancien chef de l'administration présidentielle, Igor Setchine côtoie Vladimir Poutine depuis les années 1990. Il est considéré comme l'artisan de la transformation de Rosneft de modeste société publique à une multinationale géante par des coups boursiers mais aussi grâce à des décisions judiciaires controversées.