Un peu plus d’un mois après la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne, qui avait entrainé la mise sous tutelle de la région, celle-ci entre ce mardi 5 décembre en campagne, en vue d'élections anticipées.
Après un référendum d’autodétermination interdit qui avait plongé le pays dans la confusion au début de l’automne, ce scrutin, prévu le 21 décembre, vise à remplacer le parlement dissout par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, le 27 octobre dernier. De ses résultats dépendra l’avenir de la Catalogne, déchirée entre indépendantistes et partisans de l’unité de l’Espagne.
Incertitudes et confusion
Si les différentes formations politiques régionales n’ont pas attendu le début de la campagne officielle pour s’exprimer, celle-ci s’ouvre dans des circonstances inédites. L’ancien président catalan Carles Puigdemont, candidat à sa propre succession, a fui en Belgique après sa destitution, et se trouve sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. Il devait participer lundi soir à un meeting... sur un écran. Quant à son ancien vice-président, Oriol Junqueras, il est en prison, et la justice a répondu hier par la négative à sa demande de liberté provisoire. Trois autres figures de l’indépendantisme restent en détention avec lui.
«Cette décision judiciaire risque de renforcer la mobilisation des nationalistes, car ils y voient une répression disproportionnée», explique Mathieu Petithomme, maitre de conférence en sciences politiques et spécialiste de l’Espagne. Mais selon lui, «au sein du bloc indépendantiste, c’est le parti de gauche ERC qui semble en passe de s’imposer, au détriment du parti de Carles Puigdemont, qui a montré ses limites». Du côté des partisans d’une Espagne unie, c’est la formation de centre-droit Ciudadanos qui domine dans les sondages, et non le Parti populaire du dirigeant Mariano Rajoy.
Quant à la question de savoir qui, du bloc indépendantiste ou du bloc constitutionnaliste, emportera la majorité des sièges, il est très difficile d’y répondre. Selon un sondage publié hier, les nationalistes catalans perdraient la main, avec seulement 44,4% des intentions de vote, mais la volatilité de l’électorat est telle qu’il est impossible de faire une projection fiable.
L’avenir du pays en jeu
En dissolvant l’assemblée régionale catalane après la déclaration unilatérale d’indépendance, Mariano Rajoy avait joué sa dernière carte contre Carles Puigdemont. Mais rien ne garantit que ces nouvelles élections permettent de résoudre le conflit. «Il y a un vrai risque de se retrouver dans une situation similaire à celle d’avant la crise», souligne Mathieu Petithomme. La revendication d’un référendum d’autodétermination serait alors susceptible de revenir sur la table, ramenant l’Espagne à la case départ.
Une conclusion qui menacerait sérieusement la crédibilité de Mariano Rajoy, mais aussi de Carles Puigdemont. Ce dernier ne pourra en outre se soustraire indéfiniment aux poursuites de la justice espagnole, même s’il a d’ores et déjà annoncé son intention d’épuiser toutes les voies de recours contre son mandant d’arrêt. Pour les deux hommes, l’enjeu national est donc aussi un enjeu personnel.