Bijoux, lettres, documents officiels... La plus grande exposition jamais organisée sur la danseuse exotique Mata Hari, célèbre courtisane fusillée pour espionnage en France durant la Première guerre mondiale, vient d'ouvrir aux Pays-Bas, son pays natal.
Rassemblés pour la première fois, 150 archives militaires, photos et objets personnels racontent l'histoire de cette artiste arrivée à Paris à 27 ans, en 1903, dont la façon de danser inédite - très peu vêtue, voire nue - avait défrayé la chronique et fait tourner bien des têtes.
Figée dans des poses sensuelles sur des photos géantes ou animée dans des vidéos projetées sur de longs tissus, c'est une Mata Hari très envoûtante que présente jusqu'au 2 avril 2018 le Frise Museum à Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas. Seuls des bijoux et quelques infimes morceaux de tissus recouvrent son corps.
L'exposition montre «l'histoire d'une artiste mondialement connue, qui a fini par se mettre dans de sales draps, une star avant la guerre devenue une victime du conflit», commente Hans Groeneweg, le conservateur du musée.
Etoile de la vie mondaine parisienne d'avant-guerre, Mata Hari dansait dénudée, comme bon lui semblait, et fréquentait des ministres et des officiers puissants.
Mais début 1916, endettée par son train de vie, elle accepte qu'un diplomate allemand règle ses dettes en échange de renseignements. La voici devenue l'agent H 21. Le 15 octobre 1917, Margaretha Zelle (son vrai nom) était finalement fusillée pour espionnage, à 41 ans.
Danseuse insolite, call-girl, espionne voire agent double, finalement piégée par la France en pleine guerre avec l'Allemagne ... Il n'en fallait pas davantage pour devenir légendaire.
Broche et ordre d'exécution
Un siècle après, l'ambitieuse exposition de Leeuwarden, capitale de la Frise et ville natale de Mata Hari, intitulée «Le mythe et la jeune fille», apporte un éclairage plus intime sur cette femme mystérieuse, grâce à des objets et documents retrouvés un peu partout dans le monde, dont de vrais bijoux de l'artiste.
Derrière les vitrines de salles plongées dans une ambiance intimiste, ces objets racontent comment Margaretha Zelle est devenue Mata Hari.
D'entrée, le visiteur tombe nez-à-nez avec une broche en or en forme de couronne, ornée de perles, que la danseuse accusée d'espionnage et se sachant alors condamnée confia à l'officier allemand Justin Herre fin 1916, en lui demandant de la transmettre à sa fille Nonnie.
A côté de ce bijou, des curieux se penchent sur un bout de papier actant sa condamnation à mort. Le mot «mort» écrit à la main en encre noire est glaçant, et mène le public directement vers le document présenté à côté : l'ordre d'exécution, signé en 1917.
Mais l'exposition est également un hymne à la vie de Mata Hari et se plonge dans son enfance, dévoilant des bulletins de notes qui soulignent que la jeune Margaretha n'était pas forcément assidue à l'école, puis se concentre sur son rôle de mère.
Des lettres pleines de désespoir
«Nous voulions montrer l'image la plus complète de cette femme, que le public comprenne l'enfant Margaretha, la mère Margaretha et les choses de sa vie et de son mariage qu'elle a emportées avec elle pour devenir une artiste», explique Hans Groeneweg avec fierté, lui qui a consacré «quelques années» à la création de l'exposition.
Des photographies des parents de la jeune femme et de son mariage avec l'officier Rudolph MacLeod, puis des écrits sur leur «sale divorce» précèdent un coin entièrement dédié à la mort de son fils Norman, décédé à l'âge de 2 ans et demi de la syphilis, que Mata Hari elle-même lui aurait transmise.
Au milieu d'écrits consacrés à cette tragédie, trône une réplique d'un lit d'enfant d'époque, aux draps immaculés.
«Au lieu d'être en train de danser, adoubée par des gens puissants et célèbres, je suis là, dans une chambre d'hôpital, au chevet de mon enfant mortellement malade», écrira cette mère profondément affectée.
Plus tard, viennent des lettres pleines de désespoir. «J'en ai assez de me battre contre la vie et je veux l'une de ces deux choses: soit que Nonnie (sa fille restée aux Pays-Bas) soit avec moi et que je sois une mère décente, soit que je vive la vie qui m'est si joliment offerte», peut-on lire dans une missive jaunie par le temps.
«Je n'en peux plus»
«Je sais bien que la vie se termine par un accident, mais ça, je l'ai accepté», écrit-elle.
Mais lorsqu'elle sera emprisonnée par l'armée française deux ans plus tard, ses mots sont empreints de détresse. «Je suis désespérément inquiète et je pleure tout le temps. Vous ne pouvez pas imaginer ma souffrance. S'il-vous-plaît, relâchez-moi, je n'en peux plus», écrit-elle au juge depuis sa cellule parisienne.
Pas de répit pour les visiteurs de l'exposition, qui se voient ensuite plongés dans l'univers hindou qu'affectionnait la danseuse, au milieu de photos et d'affiches de représentations dans les théâtres parisiens les plus en vogue, des Folies-Bergère à l'Olympia.
«Elle disait aux hommes qu'elle courtisait qu'elle était née à Java et qu'elle voyageait à dos d'éléphants», raconte le conservateur. «Elle a inventé son histoire. Et créé son propre mythe», inoxydable.