Le Parlement de Catalogne a déclaré unilatéralement l'indépendance de la région. Cette dernière sera-t-elle un Etat viable ?
Une économie prospère
«Madrid nous dépouille» est le slogan populaire des catalans pro-indépendance. La Catalogne et ses 7,5 millions d'habitants représentent 16% de la population espagnole. C'est la région la plus riche d'Espagne, elle représente 20% du PIB du pays. A tel point que de nombreux Catalans ont l'impression d'être «volés» par le reste du pays, auquel ils paient des impôts.
Principal atout de l'économie catalane, le secteur touristique est très développé. La région a accueilli 18 millions de touristes en 2016, soit 24% du nombre total de touristes qui se sont rendus en Espagne cette année-là.
L'économie catalane pèse 221 milliards d'euros, soit plus que sept pays de la zone euro, dont la Grèce et le Portugal. La région est ouverte sur l'Europe, compte 35% des sociétés exportatrices du pays et accueille 25% des IDE (Investissement Direct à l'Etranger) du territoire espagnol.
De coûteuses institutions à créer
Si cette région devient indépendante, des mesures devront être adoptées : contrôle des frontières, douanes, relations internationales appropriées, défense, banque centrale, contrôle du trafic aérien... Ces institutions sont actuellement gérées par Madrid. Il n'est pas sûr que la région puisse tout gérer si elle devenait indépendante dans l'immédiat. Et la création de nouvelles institutions publiques coûterait très cher.
La Catalogne exclue de l'Union européenne
Si elle devenait indépendante, la Catalogne serait de fait exclue de l'UE. «La doctrine de 2004 indique qu'un Etat né d'une sécession au sein de l'UE ne serait pas automatiquement considéré comme faisant partie de l'UE» rappelle Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste des questions ibériques à l'Iris.
Son maintien dans l'UE serait en effet soumis au vote à l'unanimité de tous les chefs d'État et de gouvernement des États membres, dont celui de Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, qui de manière certaine mettra son veto.
La Catalogne deviendrait ainsi un pays tiers où les traités européens ne s'appliqueraient plus, sans les contraintes ni les avantages qui vont avec l'Union.
«Nous demanderons notre intégration à l'UE» répètent les responsables catalans. Mais il faudrait faire acte de candidature et franchir les différentes étapes afin de revenir dans le giron européen. Et en sortant de l'UE, la puissance économique de la Catalogne pourrait être considérablement affaiblie.
Une Catalogne indépendante, exclue de l'UE, aurait également des difficultés à rejoindre l'Otan, puisque tout candidat à une adhésion doit obtenir l'aval de l'ensemble des alliés dont l'Espagne. Pour l'instant, les Catalans n'ont aucun soutien à l'extérieur car «C'est une rupture unilatérale illégale. Ce n'est pas un discours de velours» confie Jean Jacques Kourliandsky.
Un pays privé d'aides financières
En 2012, le gouvernement espagnol a mis en place un fond spécial pour fournir de l'argent aux régions qui n'ont pu emprunter de l'argent sur les marchés internationaux après la crise financière. La Catalogne a été de loin le plus grand bénéficiaire de ce schéma, en empruntant 67 milliards d'euros depuis sa création. En votant l'indépendance, la Catalogne perdrait l'accès à ces aides.
La région devra emprunter sur les marchés sans le soutien de l'Espagne et sans la garantie apportée par l'UE. Et en cas de crise bancaire, l'Etat ne pourrait pas garantir les dépôts.
Les retraités pénalisés
Un des arguments avancés par les anti indépendantistes est le poids des retraites. La structure de la population connaît davantage de retraités que dans le reste de l'Espagne et le montant des retraites y est plus élevé.
La Catalogne ne pourrait pas assurer entièrement les versements des pensions de retraites sans l'aide de la sécurité sociale espagnole. Une sortie de la Catalogne de l'Espagne conduirait ainsi à une chute des retraites de 6,7% à 16,9%.
Une nouvelle monnaie
Quitter l'Espagne et l'Union Européenne pose la question du maintien de l'euro dans la région. Une sortie de l'UE engendre la sortie de la zone euro. La région devra créer une nouvelle monnaie ou alors continuer d'utiliser l'euro avec ou sans consentement de la zone euro mais cela placerait la région sous tutelle de la troïka (alliance de la Banque Centrale Européenne, de la Commission européenne et du Fonds Monétaire International).
Des investisseurs étrangers échaudés
Déjà, en 2012, plusieurs groupes installés en Catalogne avaient évoqué leurs réticences à toute forme d'indépendance. C'est le cas de Volkswagen-Audi Espagne et le groupe d'édition Planeta, qui ont menacé de quitter la région. Jean-Jacques Kourliandsky cite l'exemple du constructeur automobile Fiat. Ce dernier a un siège historique à Barcelone et fabrique pour les marchés européens. Sans l'Espagne et l'Union européenne, le constructeur ferait faillite et serait obligé de quitter la région.