La sonde américaine Cassini a plongé vendredi comme prévu dans l'atmosphère de Saturne où elle s'est vaporisée, mettant fin à une mission scientifique exceptionnelle qui a bouleversé la planétologie.
Le dernier signal a été capté par le centre de contrôle du Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Pasadena en Californie, via des antennes en Australie, comme prévu à 11H55 GMT, soit 83 minutes après son émission, le temps nécessaire pour que les ondes radio parcourent la distance entre Saturne et la Terre.
«Le signal a été perdu ... c'est la fin du vaisseau spatial», a dit un des ingénieurs du centre de contrôle, selon les images de la Nasa retransmises en direct. «J'espère que vous êtes tous très fiers de cet extraordinaire accomplissement, félicitations à tous pour cette mission incroyable», a ensuite déclaré Earl Maize, le responsable de la mission Cassini en s'adressant à toute son équipe. Un tonnerre d'applaudissement lui a succédé.
Le vaisseau de 2,5 tonnes, lancé en 1997 et qui a commencé à explorer Saturne et dix-neuf de ses lunes en 2004, a perdu le contact avec la Terre deux minutes après le début de son plongeon à une vitesse de 113.000 km/h à une altitude de 1.510 kilomètres au-dessus de la couche nuageuse de Saturne, selon la Nasa.
Dix de ses instruments ont normalement fonctionné jusqu'au dernier moment, dont le spectromètre destiné à analyser l'atmosphère.
La sonde a transmis des données durant sa descente, ce qui est sans précédent concernant Saturne. Ces informations précieuses devraient aider à comprendre la formation et l'évolution de la planète gazeuse, espèrent les scientifiques.
Jeudi, d'autres instruments avaient effectué des observations des aurores boréales et des tourbillons aux pôles de Saturne. Cassini avait amorcé son ultime descente à 07H14 GMT pour entrer un peu plus tard dans l'atmosphère de Saturne à une altitude d'environ 1.915 km.
Propice à la vie
Haut au-dessus de la couche nuageuse, l'atmosphère saturnienne est très fine, «l'équivalent de l'endroit où se trouve la Station spatiale internationale (ISS)» à 400 kilomètres de la Terre, a expliqué Earl Maize.
Vu sa vitesse, le frottement avec même quelques molécules atmosphériques a suffi à désintégrer le vaisseau et ce probablement en moins de deux minutes, avait-il estimé auparavant avec apparemment un petit pincement au cœur.
«Les découvertes faites figurent parmi les plus époustouflantes en science planétaire», a jugé mercredi devant la presse Linda Spilker, principale scientifique de la mission. Avec près de 300 orbites autour de Saturne, la sonde a découvert notamment des mers de méthane liquide sur Titan, son plus grand satellite naturel, et un vaste océan d'eau salée sous la surface glacée d'Encelade, une petite lune saturnienne.
Les données recueillies par le spectromètre de Cassini lors de la traversée d'un panache de vapeur au pôle sud d'Encelade ont révélé la présence d'hydrogène.
Cet hydrogène est la signature d'une activité hydrothermale propice à la vie, avaient alors conclu les scientifiques en annonçant cette importante découverte en avril dernier. «Ce monde océanique d'Encelade a vraiment changé notre approche sur la recherche de la vie ailleurs dans notre système solaire et au-delà», a pointé Linda Spilker.
Environ 4.000 communications scientifiques basées sur les données recueillies par Cassini ont déjà été publiées, a relevé Mathew Owens, professeur de physique spatiale à l'université de Reading au Royaume-Uni. Et «il ne fait aucun doute que les chercheurs vont continuer à analyser pendant des années les dernières informations sur l'atmosphère saturnienne recueillies durant les derniers moments du plongeon», a-t-il dit.
Trois autres sondes américaines ont survolé Saturne précédemment, Pioneer 11 en 1979 suivi par Voyager 1 et 2 au début des années 1980, prenant surtout des images.
Eviter toute contamination
«En précipitant Cassini dans l'atmosphère de Saturne, on évite tout risque que le vaisseau aille s'écraser sur l'une des lunes où la vie pourrait exister, comme Encelade, les préservant de toute contamination», a expliqué Earl Maize.
La Nasa avait fait la même chose avec son orbiteur Galiléo en 2003 qu'elle avait précipité dans l'atmosphère de Jupiter pour épargner sa lune Europe, également dotée d'un vaste océan d'eau salée sous une épaisse banquise où la vie pourrait exister.
Cassini est une coopération entre la Nasa, l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Agence spatiale italienne, ces deux dernières ayant construit la petite sonde Huygens transportée par Cassini jusqu'en décembre 2004, quand elle est allée se poser sur Titan.
La mission Cassini-Huygens a coûté 3,9 milliards de dollars dont au moins 2,5 milliards aux Etats-Unis, l'Agence spatiale européenne (ESA) et italienne ayant financé l'autre partie. La sonde porte le nom de Giovanni Cassini, un astronome italien du 17e siècle qui a découvert quatre lunes de Saturne.