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L'ONU presse la CPI d'enquêter sur des crimes contre l'humanité au Burundi

Les enquêteurs de l'ONU pointent «des responsables au plus haut niveau de l'Etat».[Fabrice COFFRINI / AFP]

Des enquêteurs de l'ONU ont exhorté lundi la Cour pénale internationale (CPI) à enquêter de toute urgence sur des crimes contre l'humanité et autres atrocités commis par les autorités au Burundi.

«Ces actes (...) ont été perpétrés dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, avec la connaissance d'une telle attaque. Ces actes rentrent dans le cadre d'une politique de l'Etat burundais», a dénoncé le président de la Commission d'enquête de l'ONU sur le Burundi, Fatsah Ouguergouz, au cours d'une conférence de presse.

Pointant «des responsables au plus haut niveau de l'Etat», la Commission indique dans son premier rapport avoir «des motifs raisonnables de croire que plusieurs de ces violations, commises en majorité par des membres du service national de renseignement, de la police et de l'armée ainsi que des Imbonerakure (milice pro-gouvernementale selon l'ONU, ndlr), constituent des crimes contre l'humanité».

«Des atteintes aux droits de l'homme ont également été commises par des groupes armés d'opposition, mais celles-ci se sont avérées difficiles à documenter», selon le document.

Au regard de l'impunité régnant dans le pays, la Commission demande «à la CPI d'ouvrir dans les plus brefs délais une enquête sur la situation au Burundi depuis avril 2015».

Des actes de torture dénoncés

Le Burundi ayant notifié sa décision de se retirer de la CPI le 27 octobre 2016 et ce retrait étant effectif un an après, la CPI a jusqu'au 27 octobre pour ouvrir une enquête de son propre chef. Passé cette date, seul le Conseil de sécurité de l'ONU pourra faire appel à l'institution internationale.

Dans son rapport, la Commission, créée en septembre 2016 par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, cite des «violations souvent d'une cruauté extrême, en particulier des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture».

Les victimes sont en majorité des jeunes hommes qui «ont comme point commun d'être des opposants au gouvernement ou perçues comme tels».

    

La Commission a établi une liste confidentielle d'auteurs présumés de crimes contre l'humanité, accompagnée d'informations sur certains actes qu'ils auraient commis ou commandités. Cette liste pourra être partagée par l'ONU avec tout organe ou juridiction compétente qui «mènera des enquêtes crédibles».

Le Burundi n'ayant pas autorisé les enquêteurs à se rendre sur place, les conclusions présentées par les trois commissaires sont le fruit de plusieurs mois d'investigation auprès de plus de 500 témoins, dont de nombreux Burundais réfugiés à l'étranger.

Le Burundi en crise depuis avril 2015

Dans le contexte de certaines violations, des insultes à caractère ethnique ont été prononcées à l'encontre de Tutsis, pointe le rapport, qui ne conclut toutefois pas à l'existence d'un génocide car la Commission «n'est pas en mesure d'établir l'existence d'une volonté politique de détruire en tout ou en partie ce groupe ethnique».

Le Burundi traverse une crise violente depuis la décision, en avril 2015, du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat controversé, obtenu en juillet de la même année. Des manifestations avaient alors été violemment réprimées et un coup d'État manqué, en mai 2015, a fait basculer le pouvoir dans une répression systématique.

Les violences ont déjà fait de 500 à 2.000 morts, selon les sources (ONU et ONG), et ont poussé à l'exil plus de 425.000 Burundais.

Les enquêteurs de l'ONU ont documenté «quelques milliers d'arrestations et de détentions arbitraires», des «centaines de cas de tortures» et des «centaines d'exécutions extrajudiciaires», a indiqué M. Ouguergouz, précisant que ces chiffres n'étaient pas exhaustifs.

«Des discours de haine de la part d'autorités et de membres du parti au pouvoir»

Le rapport dénonce «des discours de haine de la part d'autorités et de membres du parti au pouvoir - le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD)».

Il constate par ailleurs que «de grandes décisions, y compris celles qui ont débouché sur des violations graves des droits de l'Homme, ne seraient pas prises par le gouvernement, mais par le Président de la République entouré d'un cercle restreint de 'généraux'», parmi lesquels le ministre de la sécurité publique et l'administrateur général du service national de renseignement.

Le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies «devrait demander à l'Assemblée générale de reconsidérer l'appartenance du Burundi à cet organe», a réagi le directeur du bureau de l'ONG Human Rights Watch à Genève, John Fisher.

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