L'ex-guérilla des Farc a demandé pardon et proposé un gouvernement de transition pour 2018 en présentant publiquement vendredi son parti politique «révolutionnaire» et consacré à tous les secteurs de la société, après plus d'un siècle de conflit armé en Colombie.
Sur la place Bolivar, au coeur de Bogota et à quelques mètres du palais présidentiel, attaqué par les Farc en 2002 avec des bombes artisanales, des milliers de sympathisants de ce qui fut la principale rébellion du continent américain ont donné la bienvenue à ce parti Fuerza Alternativa Revolucionaria del Comun (Farc - Force alternative révolutionnaire commune, ndlr).
«Nous laissons les armes pour faire de la politique par des voies pacifiques et légales, nous voulons construire avec vous tous et toutes un pays différent», a déclaré leur chef suprême, Rodrigo Londoño alias «Timochenko».
Accueilli par la foule scandant «Timo, Timo», il a réitéré la proposition d'un gouvernement de transition, lancée en décembre, avec celle d'appuyer à l'élection présidentielle de 2018 un candidat qui garantisse l'application de l'accord de paix signé en novembre avec le président Juan Manuel Santos, après quatre ans de négociations à Cuba.
«Nous soutiendrons résolument (un candidat) qui sera disposé à blinder (l'accord), à empêcher qu'il soit affecté», a-t-il rappelé.
Avant son discours, Timochenko a reçu sur scène un bouquet de roses rouges, le nouvel emblème du parti de l'ex-guérilla marxiste, qui a terminé son désarmement il y a deux semaines.
Le chef des désormais ex Forces armées révolutionnaires de Colombie, nées en 1964, a de nouveau demandé pardon pour les milliers de crimes commis durant plus d'un demi-siècle de confrontation fratricide.
«Nous n'hésitons pas à tendre la main en signe de pardon et de réconciliation, nous voulons une Colombie sans haine, nous venons prôner la paix et l'amour fraternel entre compatriotes», a-t-il affirmé.
Roses rouges et drapeau blanc
Quelques heures plus tôt, des centaines d'anciens combattants et militants communistes clandestins avaient marché vers la place Bolivar, brandissant des roses rouges et le drapeau blanc du parti, prêt à disputer le pouvoir à la droite libérale et conservatrice qui domine le pays.
Rodrigo Londoño a appelé à former «un mouvement de mouvements» pour les causes de l'ex-guérilla : justice sociale, réforme agraire, éducation et santé gratuites pour tous.
Il a mis l'accent sur la lutte contre la corruption et le patriarcat, pour l'intégration des populations marginalisées, comme les noirs et les indigènes, sans se réclamer du communisme des ex-Farc.
Ce parti aura un «caractère global», consacré à tous les secteurs de la société, avait déclaré plus tôt l'ex-commandant guérillero Pablo Catatumbo lors d'une conférence de presse, ajoutant que ce sera «un nouveau parti pour une nouvelle Colombie».
Réunis en congrès depuis dimanche à Bogota, plus de 1.200 délégués ont défini la ligne, les statuts, le nom et l'emblème du mouvement, une rose rouge avec une étoile à cinq branches en son centre et les lettres Farc en vert.
Pablo Catatumbo a précisé à l'AFP que les candidats seraient désignés prochainement par la direction nationale du parti, élue par le congrès et qui compte 111 membres, puis inscrits en novembre auprès des autorités électorales.
L'accord de paix garantit à la Farc cinq sièges dans chacune des deux chambres du Parlement pour deux mandats. Mais ces députés et sénateurs désignés devront se présenter aux élections, l'ex-guérilla espérant alors accroître sa représentation.
«Nous avons intégré la vie politique légale parce que nous voulons être un gouvernement ou en faire partie», a ajouté Ivan Marquez, ex-chef négociateur de l'accord de paix.
Tout en intégrant la vie politique légale, les ex-guérilleros vont devoir répondre de leurs crimes devant la justice spéciale de paix, qui prévoit des peines alternatives à la prison s'ils disent la vérité, dédommagent les victimes et s'engagent à ne plus avoir recours à la violence.