L'ancienne procureure générale du Venezuela Luisa Ortega est arrivée mercredi au Brésil et s'est montrée déterminée à poursuivre son combat contre le président vénézuélien Nicolas Maduro, qui veut son arrestation.
Mme Ortega doit participer à Brasilia à une réunion de procureurs de pays du Mercosur, le marché commun sud-américain.
L'ex-procureure, relevée de ses fonctions par le pouvoir de Nicolas Maduro, a fui vendredi le Venezuela, où elle se considère victime d'une «persécution politique». Elle s'est d'abord rendue en Colombie, d'où elle est partie pour le Brésil.
Dans une brève déclaration à la presse à son arrivée à l'aéroport de Brasilia, l'ex-procureure a indiqué qu'elle comptait parler notamment de «la corruption» au Venezuela lors de la conférence. «Oui, je vais parler d'Odebrecht, de l'affaire de corruption au Venezuela et de ma situation», a-t-elle dit aux journalistes.
Luisa Ortega affirme détenir des preuves de paiements illégaux effectués par le groupe brésilien de BTP Odebrecht au bénéfice de responsables vénézuéliens, dont le président Maduro.
«Dispositif de sécurité»
La conférence de procureurs à laquelle elle va participer doit commencer à 09h00 heure locale (12h00 GMT). Le grand quotidien brésilien O Globo a indiqué qu'«un important dispositif de sécurité» était préparé pour «protéger l'ex-procureure générale» au Brésil.
Le président Maduro a annoncé mardi que le Venezuela allait lancer un mandat d'arrêt international contre Mme Ortega, devenue une des principales opposantes au chef de l'Etat. «Le Venezuela va solliciter auprès d'Interpol une notice rouge contre ces personnes impliquées dans des délits graves», a-t-il déclaré.
Il faisait référence à Mme Ortega et à son mari German Ferrer, député chaviste (du nom d'Hugo Chavez qui fut président de 1999 à sa mort en 2013 et le mentor de Nicolas Maduro) passé à l'opposition.
«Tu marches avec l'oligarchie colombienne, avec les putschistes brésiliens. Dis-moi avec qui tu marches et je te dirai qui tu es», a lancé le dirigeant socialiste à l'attention de l'ex-procureure.
M. Maduro a également demandé l'aide du pape François pour dialoguer avec l'opposition et lutter contre la «menace militaire» des Etats-Unis, qu'il accuse de vouloir fomenter un coup d'Etat.
Largement isolé sur la scène internationale, le président a toutefois rappelé qu'il compte encore un allié de poids : la Russie. «Le Venezuela a le soutien de la Russie, plein, total, absolu», a-t-il affirmé, annonçant une prochaine réunion à Moscou avec le président russe Vladimir Poutine, qu'il a qualifié d'«homme de paix», afin de «continuer à renforcer l'accord de coopération militaire».
Mme Ortega n'a pas cessé de dénoncer la radicalisation du gouvernement vénézuélien ces derniers mois. Elle a fui son pays vendredi pour la Colombie. Mardi, elle «est partie pour le Brésil», a déclaré le service colombien des Migrations dans un communiqué, sans préciser si son mari était avec elle.
Accompagnée de son époux, l'ex-procureure était arrivée le 19 août à Bogota sur un vol privé, bravant l'interdiction qui lui était faite de sortir du territoire vénézuélien. «Si elle demande l'asile (en Colombie), nous le lui accorderons», avait promis le président Juan Manuel Santos.
Ancienne chaviste devenue dissidente, l'ex-procureure, âgée de 59 ans, a été démise de ses fonctions le 5 août par la toute nouvelle Assemblée constituante acquise au chef de l'Etat. Son époux, accusé de corruption par le gouvernement, risquait d'être arrêté après avoir été privé jeudi de son immunité parlementaire par l'Assemblée constituante.
Dotée de superpouvoirs, cette assemblée s'est également attribuée vendredi l'essentiel des pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition.
Bogota, «Caïn de l'Amérique»
«Bogota est devenu le centre de la conspiration contre la démocratie et la paix au Venezuela. Honte historique au ‘Caïn de l'Amérique’ !», a lancé sur Twitter le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Jorge Arreaza, en référence à celui qui dans la Bible et le Coran tue son frère cadet Abel.
Le Chili a annoncé accorder l'asile diplomatique à cinq autres juristes vénézuéliens, membres de l'opposition et réfugiés dans son ambassade à Caracas. Ils faisaient partie des 33 juristes nommés à la Cour suprême par le Parlement dominé par l'opposition, mais menacés d'arrestation par le gouvernement. Cinq autres juristes ont pour leur part rejoint la Colombie.
M. Maduro, élu en 2013 et dont le mandat s'achève début 2019, est confronté depuis début avril à une vague de manifestations pour exiger son départ qui ont fait 125 morts, sur fond de naufrage économique.
Onze pays d'Amérique latine et le Canada ont récemment condamné la «rupture démocratique» au Venezuela, s'ajoutant aux critiques de Washington, de l'ONU et de l'Union européenne. Mais jusqu'à présent, le président est resté sourd aux pressions venues de l'étranger.