Sous domination musulmane pendant plus de sept siècles, l'Espagne et plus largement la péninsule ibérique, est un territoire symbolique pour Daesh, qui voudrait un jour s'en emparer.
Selon différents experts et spécialistes interviewés dans les médias suite à l'attaque de Barcelone et de Cambrils ce jeudi, le choix des deux villes et du pays n'est pas dû au hasard. En effet, revendiquer une «identité arabo-musulmane de l'Espagne» fait partie «des revendications fantasmées et imaginaires» de Daesh, explique Benoît Pellistrandi, historien spécialiste de l'Espagne, au micro de France Culture.
Pour comprendre, il faut revenir au Moyen Age en 711. A cette époque commence la conquête par les musulmans de la péninsule ibérique. Pendant plus de 700 ans, tout ce territoire qui englobe le Portugal et l'Espagne, à l'exception des régions astures, cantabres et basques, est sous domination musulmane. Il porte alors le nom d'Al-Andalus. Le règne s'achève avec la Reconquista des Rois Catholiques et la chute de Grenade en 1492. Ces derniers demandent alors aux juifs et aux musulmans présents de se convertir ou de partir en exil. C'est la fin d'Al-Andalus.
L'âge d'or de l'Islam
Par cette histoire, «le jihadisme perçoit l’Espagne comme l’occupante illégitime d’Al-Andalus, une terre qui appartient à la communauté islamique et qui a été arrachée et occupée par les infidèles», commente dans le quotidien espagnol La Razon, Manuel R. Torres, professeur de sciences politiques à l’université Pablo-de-Olavide à Séville.
En plus de cela, sous domination musulmane, Al-Andalus est devenu un foyer de haute culture, attirant un grand nombre de savants venus de toute l'Europe. En résumé, cette période et ce territoire incarnent pour Daesh la spendeur culturelle et politique de l'Islam. D'ailleurs, de cet âge d'or arabo-musulaman en Espagne, il reste de nombreux monuments tels que l'Alhambra à Grenade, l'Alcazar à Séville ou encore Mesquita de Córdoba à Cordoue.
Alors, même si plus de 500 ans séparent l'ère actuelle de la fin d'Al-Andalus, Daesh présente la péninsule ibérique comme une terre musulmane perdue que leur organisation devrait reconquérir au nom d'Allah. Ainsi en 2014, ils avaient diffusé depuis la Syrie une vidéo dans laquelle ils disaient : «Nous vivons sous la bannière de l’Etat islamique et nous allons mourir pour elle jusqu’à ce que nous ayons récupéré toutes les terres musulmanes perdues. De Jakarta à l’Andalousie et je vous le dis, l’Espagne est la terre de nos ancêtres et nous la récupérerons avec l’aide de Dieu».
Un moyen de séduction
Plus récemment en janvier 2016, Daesh avait diffusé une vidéo de propagande où des jihadistes qui venaient d'assassiner un homme présenté comme un espion, promettaient de «récupérer Al-Andalus». «Aucun musulman ne peut oublier Cordoue ou Tolède. Il y a beaucoup de musulmans fidèles et sincères qui jurent qu’ils reviendront à Al-Andalus», avait ajouté un jihadiste francophone.
Toujours selon le professeur Manuel R. Torres, les références à l'Espagne seraient très présentes depuis 2016 dans la propagande jihadiste. Lui et son équipe ont ainsi comptabilisé 44 occurrences, dont une vingtaine liée à Al-Andalus. Une tactique utilisant l'imaginaire militant pour produire de l'émotion et séduire rapidement selon la politologue Myriam Benraad interviewée par Ouest-France. «Cela permet d’élargir le profil de ses recrues, d’attirer des personnes d’univers très différents», ajoute-t-elle.