Emmanuel Macron a réaffirmé dimanche la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d'Hiv en 1942, avant un plaidoyer vibrant contre l'antisémitisme et le racisme, en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qu'il a ensuite chaleureusement reçu à l'Elysée.
«Oui, je le redis ici, c'est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort des 13.152 personnes de confession juive arrachées les 16 et 17 juillet à leur domicile», a déclaré le président de la République, soulignant que la rafle «fut l'œuvre de la police française, pas un seul Allemand n'y prêta la main».
Le chef de l'Etat a expliqué vouloir «que se perpétue le fil tendu en 1995 par Jacques Chirac», premier président à reconnaître la responsabilité de la France dans les persécutions antisémites, et non celle du seul régime de Vichy.
«Récemment encore, ce que nous croyons établi par les autorités de la République, sans distinction partisane, avéré par tous les historiens, (...) s'est trouvé contesté par des responsables politiques français», a rappelé M. Macron, allusion à des déclarations de Marine Le Pen pour qui la France n'est «pas responsable du Vel d'Hiv».
«Ce serait faire beaucoup d'honneur à ces faussaires que de leur répondre. Mais se taire serait pire, ce serait être complice», a lancé M. Macron, très applaudi par un public composé notamment de rescapés des camps.
Martelant son pupitre, il a dénoncé avec flamme le racisme et l'antisémitisme «qui sont encore bien présents». «Un jour, parce qu'on s'est tu, parce qu'on n'a pas voulu voir, le passage à l'acte intervient. Alors ce qui n'était chez les uns que de la haine formulée différemment, et chez les autres une forme de lâcheté (...), ça devient des vies fauchées et des gestes qui tuent», a-t-il dit. «Nous ne cèderons rien à l'antisionisme car il est la forme réinventée de l'antisémitisme», a-t-il ajouté, déclenchant de nouveaux applaudissements.
Il a aussi évoqué l'affaire Sarah Halimi, une femme juive tuée en avril à Paris par un voisin musulman, pour lequel la qualification antisémite n'a pas été retenue à ce stade, ce qui a suscité de l'indignation dans la communauté juive. «Malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi», a dit le chef de l'Etat, très applaudi pour cet appel.
Le chef de l'Etat a énuméré les noms des victimes des attaques antisémites ces dernières années, mais aussi ceux de Brahim Bouarram, Marocain noyé dans la Seine par des militants d'extrême-droite en 1995 et Jacques Hamel, prêtre catholique tué lors de l'attentat jihadiste de Saint-Etienne-du-Rouvray en juillet 2016.
Reprise des négociations
«Il a dit tout ce que j'attendais, et fixé un cap moral et politique pour le quinquennat», a commenté à l'AFP Serge Klarsfeld. Juste avant la cérémonie, l'historien avait inauguré avec lui le Jardin-mémorial des enfants du Vel d'Hiv, sur l'ancien emplacement du vélodrome. La cérémonie a été émaillée d'hommages à Simone Veil, rescapée d'Auschwitz et décédée en juin.
Netanyahou, auquel Macron a donné du «cher Bibi», a pour sa part salué le «geste très, très fort» que constitue selon lui l'invitation du président français. Le dirigeant israélien a ensuite insisté sur la lutte contre «l'islamisme radical qui veut détruire la civilisation européenne».
Les deux dirigeants se sont ensuite entretenus plus d'une heure à l'Elysée, avant une déclaration au cours de laquelle Emmanuel Macron a rappelé la position française : souhait d'une reprise de négociations israélo-palestiniennes pour une solution à deux Etats, avec Jérusalem pour capitale ; soutien «indéfectible à la sécurité d'Israël» mais condamnation de la colonisation.
Autre déclaration très attendue par le dirigeant israélien, Emmanuel Macron l'a assuré de sa «vigilance» sur la mise en œuvre de l'accord sur le nucléaire iranien de 2015 et dit «partager ses inquiétudes sur l'armement du Hezbollah» libanais, soutenu par l'Iran.
Son accueil très chaleureux a visiblement ravi son invité, sous tension dans son pays notamment pour une affaire de corruption présumée qui impliquerait ses proches. Il a invité Emmanuel Macron en Israël et lui a affirmé que «la France a un grand potentiel sous votre leadership».