Nouvelle polémique artistico-politique autour de Donald Trump : l'assassinat du président américain, évoqué dans une nouvelle adaptation à New York de la célèbre tragédie «Jules César» de Shakespeare, a poussé Delta Airlines et Bank of America, deux des principaux sponsors du théâtre, à se retirer.
La pièce, montée par le Public Theater et déjà jouée ici et là depuis le 23 mai, doit ouvrir officiellement ce lundi dans le cadre du festival «Shakespeare in the Park» qui se tient chaque année à Central Park. Mais dimanche, devant la levée de boucliers lancée par plusieurs médias conservateurs, y compris la très regardée chaîne Fox News, et reprise par le fils du président Donald Trump Junior - qui s'est interrogé ouvertement sur le financement de la pièce -, la compagnie aérienne Delta et Bank of America ont annoncé leur retrait.
«Le Public Theater a choisi de présenter Jules César de façon à provoquer et offenser. Si nous avions connu leur intention, nous n'aurions pas décidé de la parrainer. Nous retirons notre financement de cette production», a indiqué un porte-parole de la banque dans un communiqué. Un peu plus tôt, Delta avait aussi annoncé son retrait. «Shakespeare in the Park ne reflète pas les valeurs de Delta. Leur direction artistique a franchi la limite des normes du bon goût. Nous les avons informés de notre décision d'arrêter notre parrainage», a tweeté la compagnie sur son compte officiel.
Pas d'appel à la violence
Un autre sponsor, American Express, a lui tenu à souligner qu'il soutenait le Public Theater mais «que ce parrainage ne s'appliquait pas» à cette production de Jules César «dont nous n'acceptons pas l'interprétation».
Dans cette pièce de près de deux heures, Jules César est incarné par un homme d'affaires blond ressemblant étrangement au président américain, et sa femme y a un accent slave, comme Melania Trump, selon des critiques ayant assisté aux premières. La scène de l'assassinat du tyran renvoie à l'actuel débat politique américain : César y est poignardé par une foule de femmes et de minorités. Beaucoup parmi elles accusent aujourd'hui Donald Trump de menacer leurs droits.
Sur le site internet du théâtre, le metteur en scène, Oskar Eutis, ne cache pas les ressemblances, mais prend aussi ses distances avec la violence. «Jules César peut être lu comme une parabole d'avertissement à ceux qui essaient de combattre la démocratie par des moyens non démocratiques», écrit-il. «Combattre le tyran ne veut pas dire l'imiter».
Le théâtre, qui doit présenter la pièce jusqu'au 18 juin, a assuré lundi «soutenir complètement la production», qui »ne prône en aucune façon la violence». La controverse qu'elle a suscitée «est exactement l'objectif de notre théâtre engagé», a souligné la direction dans un communiqué. Scott Stringer, contrôleur de la ville de New York et chargé de veiller au bien-fondé des dépenses de la ville, a lui aussi défendu la pièce, rappelant que les spectacles gratuits présentés dans le cadre du festival offraient «du théâtre aux New-Yorkais de tous niveaux sociaux comme aux touristes».
«Votre décision de restreindre l'expression de ce qui est une oeuvre littéraire universelle envoie le mauvais message, et sape le dynamisme de la cause que vous aviez choisi de soutenir», a-t-il écrit dans une lettre à Delta et Bank of America, diffusant sur Twitter une photo de ce courrier. Cette controverse suit de près une autre polémique: l'actrice Kathy Griffin avait diffusé fin mai une vidéo où elle brandissait une fausse tête de Trump décapité. Critiquée de toutes parts, elle a été renvoyée de l'émission du Nouvel An qu'elle animait pour CNN.
Depuis la montée en puissance du milliardaire pendant la campagne électorale de 2016, plusieurs artistes se sont emparés de l'image de Donald Trump, le plus souvent négativement. En août 2016, plusieurs statues de Donald Trump nu étaient apparues dans les rues de New York, Los Angeles et d'autres villes américaines, représentant le candidat républicain avec brioche et mains croisées sur le ventre, pour la plus grande joie des passants et des photographes.